samedi 24 décembre 2011

Interview de Charles Dickens, pour La Maison d'Apre-Vent, en 1853.

http://www.franceculture.fr/emission-tire-ta-langue-de-l-entretien-litteraire-post-mortem-2011-12-18


Nouvelle interview de Charles Dickens pour La Maison d’Apre-Vent (Bleak House), en 1853.
Charles Dickens, il pleut tellement sur Londres au début de votre roman qu’on se croirait revenu au début de l’ère secondaire ?
De la boue dans les rues… à croire que les eaux viennent tout juste de se retirer de la surface de la terre et que l’on ne devrait pas s’émerveiller de rencontrer un mégalosaure de quelque quarante pieds de long, qui escaladerait la colline de Holborn en se dandinant comme un lézard éléphantesque.
Il tombe une sorte de neige fuligineuse ?
La fumée tombe des cheminées en un crachin noir et mou contenant des flocons de suie grands comme des flocons de neige, portant, pourrait-on croire, le deuil du soleil.
On ne voit même plus les animaux ?
Les chiens ne se distinguent pas dans cette fange. Les chevaux, à peine mieux, éclaboussés qu’ils sont jusqu’aux œillères.
C’est l’Empire du Fog ?
Absolument. Brouillard partout. Brouillard en amont de Londres, où la Tamise coule parmi de verts îlots et pâturages. Brouillard en aval, où elle roule ses flots souillés parmi les navires à l’arrimage et la pollution des rives.
Vous donnez de Londres une image paradoxale ?
C’est une noble et répugnante cité.
Le brouillard sévit même dans le port ?
Brouillard sur les marais de l’Essex, brouillard sur les coteaux du Kent. Brouillard qui s’insinue dans les cuisines des bricks charbonniers, brouillard qui s’étend jusqu’au bout des vergues et plane sur le gréement des grands navires.
Et, pendant ce temps, la Haute Cour rend la justice ?
Une vingtaine de membres, brumeusement occupés par l’une des dix mille étapes d’un procès sans fin, barbotant jusqu’aux genoux dans les détails techniques, cognant contre des murailles de mots leurs têtes capitonnées de poil de chèvre et de crin de cheval, et se livrant sans sourire à un simulacre de justice, comme pourraient le faire des comédiens.

Propos recueillis par Jérome Pintoux, le 20.12.11. Recopiés le 21.12.11.

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