samedi 31 décembre 2011

The Rolling Stones. Love You Live

The Rolling Stones. Love You Live

1977

« Love You Live », ça reste un des grands « live » des années 70. Sur « Honky Tonk Women », on a droit aux confessions d’un dragueur cynique. « J'ai baisé une divorcée à NYC ». « Elle a essayé de m’attirer à l’étage pour tirer un coup ». Ah, ces femmes des bars un peu glauques… « J’ai rencontré une reine des bistrots, bourrée au gin, à Memphis, une pétasse alcoolo. » Mais cette misogynie était déjà datée à l’époque... Les fameux riffs de Keith le sont moins. Ils illuminent, pas moins.
« Get Off My Cloud », c’est encore une chanson misogyne : « Va-t’en ! Tu m’fais d’l’ombre !… » C’est un de leurs chevaux de bataille depuis dix ans, depuis le milieu des années 60. Ils adorent le jouer sur scène. Puis Keith croasse « Happy ». Dommage qu’il chante si mal. « Hot Stuff » est excellent, funky et groovy.
« It’s Only Rock’n’ Roll », c’est grand, mais c’est une sorte de pastiche de T.Rex. Un vrai décalque procédant d’une écoute intensive de « Get It On », les mêmes riffs de guitare-boogie… On dira que c’est un hommage, on est respectueux…
Sur « Brown Sugar », il est questions d’une strip-teaseuse. Un morceau qui bouge bien, avec des cuivres, et tout et tout. Mépris et misogynie ont toujours caractérisé ces vieux lascars. Trop de filles se sont jetées dans leurs lits pour qu'ils les respectent. Cette image dégradée pose problème. Les Stones n’ont jamais été politiquement corrects, mais finalement on s’en fout un peu.
Sur « Jumpin’ Jack Flash », Jagger dompte la foudre, tel Davy Crockett chevauchant les éclairs.
Puis c’est la grande transe de « Sympathy For The Devil », le plat de résistance, le fromage et le dessert. Cette chanson fait irrésistiblement penser à ce passage de « Tamango » où un faux sorcier mime la transe : « Mais lorsque la nuit fut venue, il se mit à murmurer des paroles inintelligibles qu’il accompagnait de gestes bizarres. Par degrés, il s’anima jusqu’à pousser des cris. A entendre les intonations variées de sa voix, on eut dit qu’il était engagé dans une conversation animée avec une personne invisible. Tous les esclaves tremblaient, ne doutant pas que le diable ne fût en ce moment même au milieu d’eux. »  Jagger se la joue Dylan vaudou. Mais d’où vient ce texte magique ? Quelle en est la source exacte ? On a parlé de Baudelaire, de Mikhaïl Boulgakov, mais il n’en est rien. Jagger a trouvé sa source dans un roman de Conan Doyle, Le Gouffre Maracot, qui relate une exploration en Atlantide, où règne le « Seigneur à la sombre face », dans son palais au fond des eaux, un diable cynique qui déclare aux explorateurs : « Je détiens quelques pouvoirs qui ne sont pas petits. Je peux incliner les esprits des hommes. Je suis le maître de la foule. Je me suis toujours trouvé là où le mal a été projeté et commis. J’étais avec les Huns quand ils ont dévasté la moitié de l’Europe. J’étais avec les Sarrasins quand, au nom de la religion, ils ont passé au fil de l’épée tous ceux qui les contredisaient. J’étais dehors la nuit de la Saint Barthélémy. Derrière le trafic d’esclaves, c’était moi. C’est parce que j’ai chuchoté quelques mots que dix mille vieilles bonnes femmes, que des idiots appelaient des sorcières, ont été brûlées. J’étais le grand homme noir qui conduisait la populace de Paris quand les rues baignaient dans le sang. Quelle époque ! Mais j’ai récemment vu mieux en Russie. Voilà d’où j’arrive. » Jagger s’est contenté d’actualiser ce texte ancien en y introduisant la Révolution bolchévique, la Seconde Guerre Mondiale, l’assassinat des frères Kennedy : « I stuck around St.Petersburg / When I saw it was time for a change / I killed the Tzar and his ministers / Anastasia screamed in vain / I rode a tank, held a gen’ral’s rank / When the blitzkrieg raged and the bodies stank” Ce personnage essaie de falsifier l’Histoire, de l’infléchir à son gré. « Sympathy for the Devil » relève du conte philosophique et non pas de la magie noire : c’est toute la différence entre les Stones et Led Zeppelin.  Peut-être s’agit-il tout simplement d’un homme du monde un brin mégalo, d’un vieil hâbleur ? « But what’s puzzling you, is the nature of my game”,
Mais ce que tu ne sais pas / C’est à quel jeu je joue…
« C’est le diable qui tient les fils qui nous remuent » déclarait déjà Baudelaire, mais je ne sais plus si c’est sur un album live ou sur un album studio. Je m’y perds un peu dans sa discographie !

Jérôme Pintoux
27.10.9

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire