dimanche 15 janvier 2012

Les Visiteurs du soir

DVD Les Visiteurs du soir (M6 vidéo) ***

« En 1485, Messire le Diable dépêche sur terre deux de ses créatures pour effrayer les humains »… Ce sont deux ménestrels, Gilles et Dominique (Alain Cuny et Arletty).
Les jeux de l’amour sont diaboliques : ils font souffrir. Mais quand un démon mineur (Alain Cuny) tombe amoureux d’une belle mortelle (Marie Déa), l’orage éclate, le tonnerre gronde, et le diable apparaît sous les traits d’un voyageur soi-disant égaré.
Jules Berry fait son numéro de grand cabotin. « J’aime bien le feu… Voyez comme les flammes sont prévenantes. Elles me lèchent les doigts comme ferait un jeune chien… » Il lâche aussi quelques maximes sataniques : « Les meilleurs d’entre nous se réjouissent du malheur des autres. » Mais arrivera-t-il à réduire en cendres un amour sincère ?
Un de ses démons est tombé amoureux d’une mortelle, qu’il était chargé de désespérer. Le problème, c’est qu’il faut attendre plus de soixante-cinq minutes avant que le Diable ne daigne se manifester, et malgré les dialogues de Jacques Prévert, ça peut sembler un peu long… Ce qui frappe, c’est un certain érotisme dans le jeu d’Arletty. Elle montre ses jambes, s’allonge lascivement sur un lit. On s’étonne que ça n’ait pas été censuré à l’époque.
On ne parle jamais de l’influence de ce cinéma sur la bande dessinée, je le regrette. Les décors des « Visiteurs du Soir » semblent avoir inspiré à Peyo l’ameublement du château du « Lutin du Bois aux Roches », ceux du « Maître de Roucybeuf »,  du « Châtiment de Basenhau », et d’autres aventures de Johan et Pirlouit. La scène du repas et du bateleur a visiblement inspiré « Le pays maudit », le tournoi, on le retrouve dans « La Flèche noire », et même l’habillement du bourreau.
Dans les bonus, Alain Petit parle longuement du fantastique français à l’écran. Cet historien du cinéma évoque les différents âges d’or qu’a connus le genre. D’abord en France, avec Méliès, puis Feuillade, Les Vampires, Fantômas, « Judex » (1917). Ce sont plutôt des fictions policières, mais avec un côté mystérieux. L’Allemagne prend le relais dans les années 20 avec l’expressionnisme. Le phénomène passe aux Etats-Unis à l’époque du krach boursier avec un cinéma gothique (Dracula, Frankenstein), puis revient en France, où il va s’installer une vingtaine d’années, de 1935 à 1955. « Le Golem », de Jean Duvivier, donne le coup d’envoi. Abel Gance en 1937, dans son remake de « J’accuse », fait revenir les morts de la guerre de 14. Ils sortent de leurs tombes pour prévenir les vivants des risques d’un nouveau conflit : c’est le prototype des films de zombies ! « La Charrette fantôme », de Jean Duvivier date de 1939. Pendant l’Occupation, le fantastique français se tourne vers des sujets originaux, dont « Les Visiteurs du soir » de Marcel Carné (1942), avec ses amants changés en pierre et sa rêverie moyenâgeuse. Ce sont souvent des films romantiques, romanesques, oniriques. « La nuit fantastique », de Marcel L’Herbier (1942),  « L’Eternel Retour », de Jean Delannoy qui recycle la légende médiévale de Tristan et d’Iseut, « La main du diable », d’après « La main enchantée » de Gérard de Nerval, réalisé par Maurice  Tourneur en 1943, des superstitions paysannes comme « Goupi mains rouges », de Jacques Becker » (1943).
A la Libération, le genre perdure. Les gens tournent pourtant dans des conditions épouvantables, les coupures de courant sont fréquentes. Ça n’empêche pas Jean Cocteau de signer un chef-d’œuvre, « La Belle et la Bête »,  puis « Orphée » et sa traversée du miroir.
Vers la fin des années 50, en Angleterre, la Hammer va se spécialiser dans la relecture des grands mythes, puis il y aura une sorte d’âge d’or italien (ce qui est contestable et contesté). A l’heure actuelle, si le fantastique reste un genre florissant, c’est en Espagne que ça se passe.    
« Les Visiteurs du soir » version 2009, c’est avant tout un magnifique travail de restauration aux normes du cinéma numérique 2K. Certes, un grand classique, avec un Jules Berry, plus diabolique que le Diable, mais un film, il faut bien l’avouer, extrêmement daté.
A présent il faudrait s’attaquer aussi au « Mort en fuite », restaurer cette comédie d’avant-guerre, avec encore Jules Berry et Michel Simon. Le personnage que joue Michel Simon va être guillotiné pour un crime qu’il n’a pas commis, une farce que deux acteurs sans succès ont montée pour accéder à la notoriété. Jules Berry apparaît au dernier moment et sauve son camarade, mais la rançon de la gloire est bien mince : Michel Simon se retrouve à déchirer les billets à l’entrée d’un music-hall…

Jérôme Pintoux
Le 11.10.9

1 commentaire:

  1. Etant un très grand admirateur de Berry, je suis un décu car certes ce fut son plus grand rôle mais a part ce film et "le jour se lève" & "le crime de mr lange" on oublie d'autres bon films ou il a jouer comme "l'homme de londres", "le voyageur de la toussaint" ou "marie-martine" et bien d'autres en fait comme beaucoup d'acteurs on l'as cataloguer dans les rôle de bad guy!!

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