vendredi 3 février 2012

Déluges sonores / HENDRIX

Déluges sonores

Pour une anthologie idéale de Jimi Hendrix




         Les compiles sont à la mode, mais souvent elles ne nous satisfont pas. Nos préférences vont ailleurs, dans les coins obscurs, dans l’arrière-boutique ou dans les soutes du Vaisseau Spatial. C’est particulièrement vrai pour Jimi Hendrix. Ses grands succès sont souvent géniaux, mais il y a d’autres merveilles au fond de la cale, et des guitares et du larsen.

         Si j’avais à composer un florilège de l’Experience, qu’est-ce que j’y mettrais au juste ? On est vite perdu dans le maquis de tous ces « live », tous ces outtakes qui ont surgi comme des balles perdues. On a vraiment du mal à s’y retrouver ! Même s’il n’y a que trois albums studio, ce qui frappe c’est la densité de l’œuvre, son immense richesse, qui a perduré, et s’est même bonifiée, comme un vin vieux à la table du Roi Saturne. 
         


En 1967, Jimi Hendrix semblait surgir de nulle part, tel un vaisseau spatial qui se serait trompé de galaxie. Sa musique était si nerveuse, chaotique. Ses chansons parlaient de soucoupes, d’un vent qui pleurait une femme aimée, tandis que des bouffons et des rois erraient dans une lande. Brumes apaches et brouillards cheyennes. Et des solos monstrueux, inventifs, à la fois délirants et structurés, soutenus par une section rythmique qui assurait : l’Expérience, c’était aussi Noel Reding à la basse (1945-2003), et Mitch Mitchell aux percussions (1947-2008). Un bassiste avec un son énorme. Un batteur, prototype de John Bonham.

« Hey Joe »


C’est le premier 45 tours. Le ton de cette version semble désabusé. Le chanteur interpelle Joe et lui demande ce qu'il fait, une arme à la main. Il lui répond qu'il va tuer sa femme : il l'a vue tourner autour d'un autre homme. C'est une histoire de mari trompé, de vengeance, de désespoir et d’homicide. Joe descend vers le sud, du côté de Mexico, où il espère échapper aux recherches, au bourreau, à la corde : Ain't no hangman gonna,  / He ain't gonna put a rope around me.
 Mais, pour Hendrix, « Hey Joe », ce n’était pas une chanson de fugitif, c’était une simple « chanson de cowboy », qui lui pesait un peu, lui faisait à moitié honte. Les gens attendaient qu’il fasse son fameux solo avec les dents. Il s’était fait piéger par cet aspect Barnum du rock, et ça l’énervait salement, le déprimait un peu. Jimi aspirait à créer son propre répertoire : « Hey Joe », c’était juste « une chanson de cowboy qui ne représente en rien ce que nous sommes ». Au bout d’un moment, le guitariste détesta cette chanson. On lui demandait sans cesse de l’interpréter sur scène, comme si c’était son seul titre de gloire. - C’est pourtant la plus belle version qu’on en ait entendu, et de loin !

« Purple  Haze »

« Purple Haze » et son brouillard violet ou violacé (et non pas « pourpre ») évoquent la perte des repères spatiaux, psychiques et temporels :
“Don't know if I'm comin' up or down”
“Am I happy or in misery ?”
“Don't know if it's day or night”.
Le « brouillard violet », c’est aussi le nom d’une pilule qui abolissait, paraît-il, la notion du temps. La guitare semble un cheval sauvage, rétif au cavalier qui cherche à le dompter. « Whatever it is, that girl put a spell on me”, « Quoi qu'il en soit, cette fille m'a envoûté » s’écrie Hendrix. Les paroles rappellent « I Put A Spell On You », blues vaudou de Screamin’ Jay Hawkins.

« Highway Chile »


C’est de la poésie « beat » à la Jack Kérouac : l'enfant de l'Autoroute est un de ces « Anges vagabonds » qui font de l'auto-stop sur les Highways, à la recherche d’un Ailleurs, d’un Idéal, au bout de la route, au bout de la nuit. « Vous le prenez pour un clodo, / Mais pour moi ça va bien plus loin qu’ça  / C'est un Enfant du Grand Voyage ». Les majuscules montrent clairement cette sublimation de l’errance. « Il n'a pas vu un lit depuis si longtemps que c'en est un péché ! ». « Flamin' hair just a-blowin' in the wind ». La chevelure du vagabond est flamboyante, mais la guitare aussi, elle vole dans le vent. Hendrix semble très inspiré sur cette plage, qu’on découvrit autrefois sur un 45 tours 4 titres.

« Third Stone From The Sun »


C’est un extrait du premier album, un long instrumental sauvage, inventif. Avec un tel titre on peut imaginer un synopsis de film catastrophe, un peu SF : le soleil en ennemi envoie des météorites pour détruire la terre... Mais en fait la « pierre » du titre ne désigne que notre bonne vieille « Terre », notre bon vieux « Caillou » : le troisième « caillou » à partir du Soleil. On dirait que le guitariste aperçoit notre planète, à bord d’un immense vaisseau spatial, ou qu’il vient de la repérer sur une carte du ciel…
Cet instrumental ambitieux inspira au Pink Floyd (de Barrett) « Interstellar Overdrive » et « Pow R and Toc H ».

Sur cette anthologie idéale, je verrais bien aussi quelques titres d’Axis : Bold As Love. « Axis » ou « axe », en argot d’Outre Manche, c’est la guitare. « Careful with that Axe, Eugene », disaient le Pink Floyd, évoquant une électrocution. Le deuxième album de l’Experience contient quelques morceaux géniaux, en particulier « Spanish Castle Magic » (qu’Hendrix a tant joué en concert) et « Little Wing ».

« Exp »

Axis : Bold As Love s'ouvre sur un sketch : Mitch Mitchell, le batteur, fait le speaker d'une station de radio, interviewant un spécialiste des objets volants non identifiés. Le soi disant spécialiste est en fait un extra-terrestre : le meneur de jeu n'en revient pas. L'E.T. tire sa révérence (« Excuse me, but I must goin’ on my way… »). Son vaisseau décolle plein pot vers un hyper espace speed et sonore. Un sketch psyché, moyennement réussi, mais à l’époque, ça changeait de Fernand Raynaud…

« Spanish Castle Magic »


C’est un des morceaux les plus joués sur scène. Il en existe des versions à rallonge. Elles sont toutes bonnes. Avec une nette préférence pour la version sortie en décembre 2003, sur Axis Outtakes, même si le son en est incertain et pourri. Spanish Castle Magic, au départ, c’est le nom d’un club de Seattle.

« Little Wing »


L’une des vraies merveilles d’Hendrix, une fabuleuse chanson qui marque de son empreinte Axis : Bold As Love. Elle renvoie à la femme aimée, comparée à un oiseau, un ange ou un papillon. C'est aussi l'évocation d'une fée qui marche dans des nuages. “Well, she was walking through the clouds”. La guitare y est d’un incroyable lyrisme. Neil Young a lui aussi écrit un « Little Wing », bien plus nostalgique que celui d'Hendrix. “Little wing, don't fly away”.
“Butterflies and zebras and moonbeams and fairy tales that's all she ever thinks about riding with the wind”, “ Papillons et zèbres, rayons de lune et  contes de fées, voilà ses seules pensées, tout en chevauchant le vent”. La version instrumentale figurant sur « Axis Outakes »  est également géniale (sorti en décembre 2003). Sting a fait trois reprises d'Hendrix, l’une des idoles de sa jeunesse : un « Little Wing » (ralenti, sentimental et jazzy) et un « The Wind Cries Mary », quasi instrumental, sur un pirate italien. L'adaptation jazzy de « Little Wing », avec un grand orchestre à la Count Basie semble comme ces soleils du crépuscule : pleine de l’immense mélancolie du créateur de « Roxanne ». On songe aux  sœurs aux regards pleins de pèlerinages, petites étrangères et personnes doucement malheureuses... Sur un album d’hommages à Jimi Hendrix. Sting en 2004 a donné une version chantée de « The Wind Cries Mary ».

« If 6 was 9 »


« If Six Was Nine », malgré l’ambiguïté de son titre, n’a rien de porno. Il relève de la poésie baroque à la Théophile de Viau. La poésie psyché semble souvent une poésie baroque poussée à l'extrême, plus qu'une poésie surréaliste. Un univers chaotique, incohérent : « Si les montagnes tombaient dans l’océan, qu’est-ce que ça me ferait ?  Si le soleil s’engloutissait, je n’en aurais rien à cirer…». La guitare se fait bluesy.

“Castles Made Of Sand”

“But the castles made of sand sleep into the sea, eventually ». La place de l’adverbe en fin de phrase, ça vient évidemment de Dylan. C’est un Hendrix intimiste qui se dévoile ici.

« Little Miss Strange »

C’est l’évocation d’une femme diabolique, imagerie rock classique…

“No one knows where she comes from”. On songe au premier vers de « Ruby Tuesday », des Stones, avec l’évocation d’une femme mystérieuse, dangereuse. « Maybe she's a devil in disguise, I can tell by looking in her eyes” (“Little Miss Strange”). Elvis Presley chantait déjà un “Devil In Disguise » et Hendrix l’a paraphrasé. Le diable aime à se déguiser en jolie femme séduisante et sexy.

Pourtant à la première écoute, début décembre 67, Axis : Bold As Love me fut pénible. A part deux titres, le reste me sembla fatigant, me fit l’effet d’un brouhaha difficile, quasi agressif, d’où se dégageaient bien sûr de belles fulgurances, des guitares, mais noyées dans la masse, un volume sonore éprouvant, voire pénible. Je n’y voyais qu’une bouillie sonore, indigne des chansons pop étriquées et formatées auxquelles j’étais habitué. Mais ce n’était pas qu’étroitesse d’esprit de ma part : à l’époque j’appréciais les délires des Stones, même la deuxième partie de « Sing This All Together » sur Their Satanic Majesties Request, sorti le même mois. Il fallut Electric Ladyland pour que son génie éclatât dans toute sa splendeur.

Sur Electric Ladyland, Hendrix brûle et hurle : je prendrais presque tout. En particulier, « Burning Of The Midnight Lamp ». La partie de wah wah en est célèbre, mais c’est avant tout une mystérieuse chanson des Mille et une Nuits, réécrits par une sorte d’Edgar Poe psyché. Hendrix-Aladin convoque le génie de la lampe. Mais quels souhaits formule-t-il ? Les paroles sont peut-être à l’origine de « The Lantern » des Stones (une histoire de fantôme). Jimi Hendrix, drôle de « vestale » d’un feu sacré et nocturne. Le psychédélisme, c’est avant tout une grande réhabilitation de l’imagination. Il s’agit ici de la version stéréo, mais, personnellement, j’adore la version mono. On la trouve dans le coffret des singles, bordélique à souhait, mais une vraie mine ou une malle au trésor. C’est peut-être le plus beau morceau qui soit à la guitare wah-wah, à placer même devant les merveilles de Zappa bien oublié de nos jours (« Muffin’ Man »). Barrett s’en inspirera pour « Apples and Oranges ».

C’est sur « Moon Turn The Tides » que l’on prend conscience que cette « ladyland », c’est l’Atlantide. Deux éléments dominent ici, le Feu et l’Eau. Le Feu sur « Voodoo Child », « Burning » et « House Burning Down », et l’Eau sur cette longue plage mélodique et délirante.

« All Along The Watchtower »

Hendrix s'est complètement approprié « All Along The Watchtower », une des chansons les plus hantées de John Wesley Harding, du Dylan d’après l’accident. La guitare y est sublime. Hendrix se lance dans des envolées lyriques du plus bel effet. L’arrangement est si exceptionnel que Dylan lui-même s’en inspirera sur scène, et la version d’Hendrix deviendra la version de référence, loin des « roots » de « John Wesley Harding ».


« Three Little Bears »

C’est l’histoire de Boucle d’Or et des trois ours ! Cette petite fille qui trouve une cabane isolée dans les bois, y pénètre, s’y installe, mange le petit-déjeuner d’une famille de plantigrades… On en trouve deux admirables versions, sur le single de Noël, et la longue version improvisée sur Axis Outttakes. Le morceau est un talkin’, avec des effets de guitares surprenants et très cool. Sur la pochette du single, Jimi est déguisé en Père Noël, avec une longue barbe blanche…

On relève d’autres allusions aux contes, chez Jimi :

« There was three sugar walls and a two candy cane windows”(sur « Long Hot Summer Night »).On dirait une évocation de la maison de la sorcière dans « Hans et Gretel » des frères Grimm. Hendrix n’était pas insensible aux contes de fée. Son goût du merveilleux relève également du psychédélisme. C’est un aspect  méconnu du guitariste, qu’on prend trop souvent (et bêtement) pour un chamane SF : son goût pour les petits livres d’or, les contes pour les tout petits.

« Cherokee Mist »

Ah, la brume cherokee, quel morceau splendide, sur les Outttakes d’Axis… Qui a dit qu’il s’agissait de fonds de tiroir ? Quelle grossière erreur !
On s’est demandé qui jouait sur ce morceau ? Est-ce Hendrix ? Bien sûr ! La vraie question, c’est : qui l’accompagne ? Sûrement un musicien de Trafic, le flûtiste, Jim Capaldi, ici au sitar.
La bisaïeule ou trisaïeule maternelle de Jimi aurait été une authentique princesse cherokee… Ce sont des indiens de l’Oklahoma, du Missouri, de l’Arkansas. Jimi avait du sang indien mais il devait être aussi un peu mytho…

« The Wind Cries Mary »

Sur « The Wind Cries Mary », «  Les clowns sont tous partis se coucher ». Les artistes sont des « bonnets de nuit » : ils n’assument plus leur rôle, qui consiste à  distraire. Leur départ marque la fin de la fête, des réjouissances. Les rois eux aussi rentrent se coucher, les serviteurs débarrassent la table. Le vent murmure, puis pleure, puis hurle. La progression dramatique est assurée. La brise devient tempête. C’est le morceau le plus dylanesque d’Hendrix. On sent l’emprise du barde de Duluth sur Jimi. La mélodie et la guitare sont toutes en retenue.

« Drifting »

Dans la mythologie grecque, le Cocyte est un fleuve infernal, formé de toutes les larmes des damnés. « Ils m’ont plongé trois fois dans les eaux du Cocyte ». « Drifting / On a sea of forgotten teardrops ». « A la dérive / Sur une mer de larmes oubliées ».

« I Was Made To Love Her »


C’est un instrumental, une adaptation très libre du tube de Stevie Wonder, avec une guitare orgiaque, gorgée comme un fruit mûr. Elle figure sur les BBC Sessions.

« Night Bird Flying »


C’est le B-side de « Dolly Dagger ». Le chanteur s’adresse à un oiseau nocturne, lui demande s’il est allé rendre visite aux divinités dans des vallées éloignées. « Que me rapportes-tu de tes voyages d’au-delà des mers ? » Ce morceau figure sur Cry of Love et sur Voodoo Soup.

« Pali Gap »


Voici un instrumental figurant sur Rainbow Bridge. Billy Cox commença à jouer la ligne de basse du tube du Spencer Davis Group, « Gimme Some Loving », et Hendrix improvisa cette gracieuse mélodie. Le titre ferait référence à des vents puissants soufflant sur Hawaï.

« Izabella »


L'énonciateur est un soldat amoureux. C’est une chanson antimilitariste, qu’Hendrix joua à Woodstock L’antimilitarisme de Jimi n’est pas un opportunisme, mais une prise de conscience radicale : une chanson contre la guerre du VietNam.

« Room Full Of Mirrors »


Malgré son titre, « Room Full Of Mirrors » n’est ni une chanson érotique, ni un air  narcissique, ni une attraction de fête foraine. Le morceau apparaît en octobre 1971, sur Rainbow Bridge, le second album posthume. Le rythme en est très enlevé, très prenant.

« Sunshine Of Your Love »

C’est la reprise du célèbre morceau des Cream, de Jack Bruce et Clapton, sur les BBC Sessions. La version originale figure sur le second Cream, Disraeli Gears.

« Takin’ Care Of No Business »


Ce morceau figure sur Axis Outtakes. Il s’agit d’une pochade déjantée, un peu  revival 1925 comme c’était la mode alors. On peut la rapprocher du Only In It For The Money, le pastiche des Beatles par les Mothers Of Invention, du « Happytoystown » des Small Faces, sur Ogdens nut Gone Flake, qui lui est postérieur, et du « On With The Show », la clôture cockney de Their Satanic Majesties Request.

« Hound Dog »


Hendrix reprend le rock de Jerry Leiber, popularisé par le « King », sur les BBC Sessions et fait le chien de meute (c’est Noël Redding qui grogne et aboie ?). L’interprétation de Jimi se termine sur un déluge sonore : le chien de chasse s’est définitivement perdu dans quelque forêt psyché. C’est la meute errante des souvenirs qui se déchaîne ici, et la lune brûle et hurle…




Brouillard violet, brume cheyenne, déluges sonores : avec Jimi Hendrix on a déjà exploré la lune, Mars et Vénus, visité toutes sorte de galaxies, « Vers l’infini et au-delà », comme le disait Buzz l’éclair, le cosmonaute de Toy Story…
On attend donc de pied ferme ce quatrième album studio que nous promet Sony, et qui risque de nous emmener carrément vers les Mines de Saturne et les vallées de Neptune…

La signature de *** avait disparu des tabloïdes : il concoctait une histoire du rock psyché. Il l'écrivit péniblement dans les différentes stations thermales où il séjourna, jusqu'à sa fin prématurée à Luchon, où il cracha un bout de poumon très noir, comme un solo posthume d'Hendrix.

Souvent Jimi avait des idées bizarres. Il croyait que le vent pleurait une certaine Mary. L’abus de toutes sortes de drogues n’avait rien arrangé. Il pensait qu’il avait attrapé une sorte de dermite en feuilletant un vague grimoire. C’était comme une idée fixe chez lui.
Il avait tout fait pour s'en débarrasser. Il avait d'abord fait le tour des médecins. Mais rien n'y faisait. Il avait fini par aller voir des rebouteux aux fins fonds des campagnes. Il avait franchi les marches d'Irlande, consulté des gens spécialisés dans les anciens cultes. Ils avaient des livres tachés de beurre rance. Ils les consultaient longtemps avant de lui répondre, restaient silencieux, hochaient la tête, baissaient les yeux. Ce n'était pas bon signe. Noel Redding, Mitch Mitchell et même Chas Chandler son manager s’étaient désintéressé du problème...
Jimi  restait persuadé qu’il avait été victime d'essais bactériologiques ou chimiques. Mais les vieux sorciers lui avaient dit, moitié goguenard, moitié l'air grave, que leurs pères et leurs aïeux étaient déjà morts ainsi. Ils avaient ajouté qu'il ne fallait pas manger n'importe quoi de ce qui pousse dans les ronces, ni ouvrir n'importe quel livre, ni visiter les vieux châteaux abandonnés. « Ne vous précipitez pas sur tous ces fruits noirs ! Ne ramassez pas les foulards qui traînent dans les forêts. Si vous trouvez du linge dans des manoirs sordides et anciens, laissez-le ! »
Il y eut bien un rebouteux qui lui redonna confiance, un court instant. C'était un homme sordide. Ses pieds dégageaient même une odeur cadavérique. Ses chiens écumaient dans la cour. Mais il était d'une intelligence rare. Des yeux gris étincelants. Le visage de quelqu'un qui avait franchi tous les vieux ponts d'argent quand se fermaient les villes. Ce mage était allé bien au-delà du château des Vermines, jusqu'aux landes de Sang-De-Bœuf, jusqu'aux dolmens. C’était tout ça que Jimi jouait sur sa guitare, tout ça, et rien d’autre. Il savait par cœur des formules d'incantation d'une efficacité douteuse. C'était souvent des bouts de fables, des formules de contes. Mais le vent pleurait toujours une certaine Mary…


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Jérôme Pintoux



Revu le 19.2.2010

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