vendredi 3 février 2012

Déluges sonores / HENDRIX

Déluges sonores

Pour une anthologie idéale de Jimi Hendrix




         Les compiles sont à la mode, mais souvent elles ne nous satisfont pas. Nos préférences vont ailleurs, dans les coins obscurs, dans l’arrière-boutique ou dans les soutes du Vaisseau Spatial. C’est particulièrement vrai pour Jimi Hendrix. Ses grands succès sont souvent géniaux, mais il y a d’autres merveilles au fond de la cale, et des guitares et du larsen.

         Si j’avais à composer un florilège de l’Experience, qu’est-ce que j’y mettrais au juste ? On est vite perdu dans le maquis de tous ces « live », tous ces outtakes qui ont surgi comme des balles perdues. On a vraiment du mal à s’y retrouver ! Même s’il n’y a que trois albums studio, ce qui frappe c’est la densité de l’œuvre, son immense richesse, qui a perduré, et s’est même bonifiée, comme un vin vieux à la table du Roi Saturne. 
         


En 1967, Jimi Hendrix semblait surgir de nulle part, tel un vaisseau spatial qui se serait trompé de galaxie. Sa musique était si nerveuse, chaotique. Ses chansons parlaient de soucoupes, d’un vent qui pleurait une femme aimée, tandis que des bouffons et des rois erraient dans une lande. Brumes apaches et brouillards cheyennes. Et des solos monstrueux, inventifs, à la fois délirants et structurés, soutenus par une section rythmique qui assurait : l’Expérience, c’était aussi Noel Reding à la basse (1945-2003), et Mitch Mitchell aux percussions (1947-2008). Un bassiste avec un son énorme. Un batteur, prototype de John Bonham.

« Hey Joe »


C’est le premier 45 tours. Le ton de cette version semble désabusé. Le chanteur interpelle Joe et lui demande ce qu'il fait, une arme à la main. Il lui répond qu'il va tuer sa femme : il l'a vue tourner autour d'un autre homme. C'est une histoire de mari trompé, de vengeance, de désespoir et d’homicide. Joe descend vers le sud, du côté de Mexico, où il espère échapper aux recherches, au bourreau, à la corde : Ain't no hangman gonna,  / He ain't gonna put a rope around me.
 Mais, pour Hendrix, « Hey Joe », ce n’était pas une chanson de fugitif, c’était une simple « chanson de cowboy », qui lui pesait un peu, lui faisait à moitié honte. Les gens attendaient qu’il fasse son fameux solo avec les dents. Il s’était fait piéger par cet aspect Barnum du rock, et ça l’énervait salement, le déprimait un peu. Jimi aspirait à créer son propre répertoire : « Hey Joe », c’était juste « une chanson de cowboy qui ne représente en rien ce que nous sommes ». Au bout d’un moment, le guitariste détesta cette chanson. On lui demandait sans cesse de l’interpréter sur scène, comme si c’était son seul titre de gloire. - C’est pourtant la plus belle version qu’on en ait entendu, et de loin !

« Purple  Haze »

« Purple Haze » et son brouillard violet ou violacé (et non pas « pourpre ») évoquent la perte des repères spatiaux, psychiques et temporels :
“Don't know if I'm comin' up or down”
“Am I happy or in misery ?”
“Don't know if it's day or night”.
Le « brouillard violet », c’est aussi le nom d’une pilule qui abolissait, paraît-il, la notion du temps. La guitare semble un cheval sauvage, rétif au cavalier qui cherche à le dompter. « Whatever it is, that girl put a spell on me”, « Quoi qu'il en soit, cette fille m'a envoûté » s’écrie Hendrix. Les paroles rappellent « I Put A Spell On You », blues vaudou de Screamin’ Jay Hawkins.

« Highway Chile »


C’est de la poésie « beat » à la Jack Kérouac : l'enfant de l'Autoroute est un de ces « Anges vagabonds » qui font de l'auto-stop sur les Highways, à la recherche d’un Ailleurs, d’un Idéal, au bout de la route, au bout de la nuit. « Vous le prenez pour un clodo, / Mais pour moi ça va bien plus loin qu’ça  / C'est un Enfant du Grand Voyage ». Les majuscules montrent clairement cette sublimation de l’errance. « Il n'a pas vu un lit depuis si longtemps que c'en est un péché ! ». « Flamin' hair just a-blowin' in the wind ». La chevelure du vagabond est flamboyante, mais la guitare aussi, elle vole dans le vent. Hendrix semble très inspiré sur cette plage, qu’on découvrit autrefois sur un 45 tours 4 titres.

« Third Stone From The Sun »


C’est un extrait du premier album, un long instrumental sauvage, inventif. Avec un tel titre on peut imaginer un synopsis de film catastrophe, un peu SF : le soleil en ennemi envoie des météorites pour détruire la terre... Mais en fait la « pierre » du titre ne désigne que notre bonne vieille « Terre », notre bon vieux « Caillou » : le troisième « caillou » à partir du Soleil. On dirait que le guitariste aperçoit notre planète, à bord d’un immense vaisseau spatial, ou qu’il vient de la repérer sur une carte du ciel…
Cet instrumental ambitieux inspira au Pink Floyd (de Barrett) « Interstellar Overdrive » et « Pow R and Toc H ».

Sur cette anthologie idéale, je verrais bien aussi quelques titres d’Axis : Bold As Love. « Axis » ou « axe », en argot d’Outre Manche, c’est la guitare. « Careful with that Axe, Eugene », disaient le Pink Floyd, évoquant une électrocution. Le deuxième album de l’Experience contient quelques morceaux géniaux, en particulier « Spanish Castle Magic » (qu’Hendrix a tant joué en concert) et « Little Wing ».

« Exp »

Axis : Bold As Love s'ouvre sur un sketch : Mitch Mitchell, le batteur, fait le speaker d'une station de radio, interviewant un spécialiste des objets volants non identifiés. Le soi disant spécialiste est en fait un extra-terrestre : le meneur de jeu n'en revient pas. L'E.T. tire sa révérence (« Excuse me, but I must goin’ on my way… »). Son vaisseau décolle plein pot vers un hyper espace speed et sonore. Un sketch psyché, moyennement réussi, mais à l’époque, ça changeait de Fernand Raynaud…

« Spanish Castle Magic »


C’est un des morceaux les plus joués sur scène. Il en existe des versions à rallonge. Elles sont toutes bonnes. Avec une nette préférence pour la version sortie en décembre 2003, sur Axis Outtakes, même si le son en est incertain et pourri. Spanish Castle Magic, au départ, c’est le nom d’un club de Seattle.

« Little Wing »


L’une des vraies merveilles d’Hendrix, une fabuleuse chanson qui marque de son empreinte Axis : Bold As Love. Elle renvoie à la femme aimée, comparée à un oiseau, un ange ou un papillon. C'est aussi l'évocation d'une fée qui marche dans des nuages. “Well, she was walking through the clouds”. La guitare y est d’un incroyable lyrisme. Neil Young a lui aussi écrit un « Little Wing », bien plus nostalgique que celui d'Hendrix. “Little wing, don't fly away”.
“Butterflies and zebras and moonbeams and fairy tales that's all she ever thinks about riding with the wind”, “ Papillons et zèbres, rayons de lune et  contes de fées, voilà ses seules pensées, tout en chevauchant le vent”. La version instrumentale figurant sur « Axis Outakes »  est également géniale (sorti en décembre 2003). Sting a fait trois reprises d'Hendrix, l’une des idoles de sa jeunesse : un « Little Wing » (ralenti, sentimental et jazzy) et un « The Wind Cries Mary », quasi instrumental, sur un pirate italien. L'adaptation jazzy de « Little Wing », avec un grand orchestre à la Count Basie semble comme ces soleils du crépuscule : pleine de l’immense mélancolie du créateur de « Roxanne ». On songe aux  sœurs aux regards pleins de pèlerinages, petites étrangères et personnes doucement malheureuses... Sur un album d’hommages à Jimi Hendrix. Sting en 2004 a donné une version chantée de « The Wind Cries Mary ».

« If 6 was 9 »


« If Six Was Nine », malgré l’ambiguïté de son titre, n’a rien de porno. Il relève de la poésie baroque à la Théophile de Viau. La poésie psyché semble souvent une poésie baroque poussée à l'extrême, plus qu'une poésie surréaliste. Un univers chaotique, incohérent : « Si les montagnes tombaient dans l’océan, qu’est-ce que ça me ferait ?  Si le soleil s’engloutissait, je n’en aurais rien à cirer…». La guitare se fait bluesy.

“Castles Made Of Sand”

“But the castles made of sand sleep into the sea, eventually ». La place de l’adverbe en fin de phrase, ça vient évidemment de Dylan. C’est un Hendrix intimiste qui se dévoile ici.

« Little Miss Strange »

C’est l’évocation d’une femme diabolique, imagerie rock classique…

“No one knows where she comes from”. On songe au premier vers de « Ruby Tuesday », des Stones, avec l’évocation d’une femme mystérieuse, dangereuse. « Maybe she's a devil in disguise, I can tell by looking in her eyes” (“Little Miss Strange”). Elvis Presley chantait déjà un “Devil In Disguise » et Hendrix l’a paraphrasé. Le diable aime à se déguiser en jolie femme séduisante et sexy.

Pourtant à la première écoute, début décembre 67, Axis : Bold As Love me fut pénible. A part deux titres, le reste me sembla fatigant, me fit l’effet d’un brouhaha difficile, quasi agressif, d’où se dégageaient bien sûr de belles fulgurances, des guitares, mais noyées dans la masse, un volume sonore éprouvant, voire pénible. Je n’y voyais qu’une bouillie sonore, indigne des chansons pop étriquées et formatées auxquelles j’étais habitué. Mais ce n’était pas qu’étroitesse d’esprit de ma part : à l’époque j’appréciais les délires des Stones, même la deuxième partie de « Sing This All Together » sur Their Satanic Majesties Request, sorti le même mois. Il fallut Electric Ladyland pour que son génie éclatât dans toute sa splendeur.

Sur Electric Ladyland, Hendrix brûle et hurle : je prendrais presque tout. En particulier, « Burning Of The Midnight Lamp ». La partie de wah wah en est célèbre, mais c’est avant tout une mystérieuse chanson des Mille et une Nuits, réécrits par une sorte d’Edgar Poe psyché. Hendrix-Aladin convoque le génie de la lampe. Mais quels souhaits formule-t-il ? Les paroles sont peut-être à l’origine de « The Lantern » des Stones (une histoire de fantôme). Jimi Hendrix, drôle de « vestale » d’un feu sacré et nocturne. Le psychédélisme, c’est avant tout une grande réhabilitation de l’imagination. Il s’agit ici de la version stéréo, mais, personnellement, j’adore la version mono. On la trouve dans le coffret des singles, bordélique à souhait, mais une vraie mine ou une malle au trésor. C’est peut-être le plus beau morceau qui soit à la guitare wah-wah, à placer même devant les merveilles de Zappa bien oublié de nos jours (« Muffin’ Man »). Barrett s’en inspirera pour « Apples and Oranges ».

C’est sur « Moon Turn The Tides » que l’on prend conscience que cette « ladyland », c’est l’Atlantide. Deux éléments dominent ici, le Feu et l’Eau. Le Feu sur « Voodoo Child », « Burning » et « House Burning Down », et l’Eau sur cette longue plage mélodique et délirante.

« All Along The Watchtower »

Hendrix s'est complètement approprié « All Along The Watchtower », une des chansons les plus hantées de John Wesley Harding, du Dylan d’après l’accident. La guitare y est sublime. Hendrix se lance dans des envolées lyriques du plus bel effet. L’arrangement est si exceptionnel que Dylan lui-même s’en inspirera sur scène, et la version d’Hendrix deviendra la version de référence, loin des « roots » de « John Wesley Harding ».


« Three Little Bears »

C’est l’histoire de Boucle d’Or et des trois ours ! Cette petite fille qui trouve une cabane isolée dans les bois, y pénètre, s’y installe, mange le petit-déjeuner d’une famille de plantigrades… On en trouve deux admirables versions, sur le single de Noël, et la longue version improvisée sur Axis Outttakes. Le morceau est un talkin’, avec des effets de guitares surprenants et très cool. Sur la pochette du single, Jimi est déguisé en Père Noël, avec une longue barbe blanche…

On relève d’autres allusions aux contes, chez Jimi :

« There was three sugar walls and a two candy cane windows”(sur « Long Hot Summer Night »).On dirait une évocation de la maison de la sorcière dans « Hans et Gretel » des frères Grimm. Hendrix n’était pas insensible aux contes de fée. Son goût du merveilleux relève également du psychédélisme. C’est un aspect  méconnu du guitariste, qu’on prend trop souvent (et bêtement) pour un chamane SF : son goût pour les petits livres d’or, les contes pour les tout petits.

« Cherokee Mist »

Ah, la brume cherokee, quel morceau splendide, sur les Outttakes d’Axis… Qui a dit qu’il s’agissait de fonds de tiroir ? Quelle grossière erreur !
On s’est demandé qui jouait sur ce morceau ? Est-ce Hendrix ? Bien sûr ! La vraie question, c’est : qui l’accompagne ? Sûrement un musicien de Trafic, le flûtiste, Jim Capaldi, ici au sitar.
La bisaïeule ou trisaïeule maternelle de Jimi aurait été une authentique princesse cherokee… Ce sont des indiens de l’Oklahoma, du Missouri, de l’Arkansas. Jimi avait du sang indien mais il devait être aussi un peu mytho…

« The Wind Cries Mary »

Sur « The Wind Cries Mary », «  Les clowns sont tous partis se coucher ». Les artistes sont des « bonnets de nuit » : ils n’assument plus leur rôle, qui consiste à  distraire. Leur départ marque la fin de la fête, des réjouissances. Les rois eux aussi rentrent se coucher, les serviteurs débarrassent la table. Le vent murmure, puis pleure, puis hurle. La progression dramatique est assurée. La brise devient tempête. C’est le morceau le plus dylanesque d’Hendrix. On sent l’emprise du barde de Duluth sur Jimi. La mélodie et la guitare sont toutes en retenue.

« Drifting »

Dans la mythologie grecque, le Cocyte est un fleuve infernal, formé de toutes les larmes des damnés. « Ils m’ont plongé trois fois dans les eaux du Cocyte ». « Drifting / On a sea of forgotten teardrops ». « A la dérive / Sur une mer de larmes oubliées ».

« I Was Made To Love Her »


C’est un instrumental, une adaptation très libre du tube de Stevie Wonder, avec une guitare orgiaque, gorgée comme un fruit mûr. Elle figure sur les BBC Sessions.

« Night Bird Flying »


C’est le B-side de « Dolly Dagger ». Le chanteur s’adresse à un oiseau nocturne, lui demande s’il est allé rendre visite aux divinités dans des vallées éloignées. « Que me rapportes-tu de tes voyages d’au-delà des mers ? » Ce morceau figure sur Cry of Love et sur Voodoo Soup.

« Pali Gap »


Voici un instrumental figurant sur Rainbow Bridge. Billy Cox commença à jouer la ligne de basse du tube du Spencer Davis Group, « Gimme Some Loving », et Hendrix improvisa cette gracieuse mélodie. Le titre ferait référence à des vents puissants soufflant sur Hawaï.

« Izabella »


L'énonciateur est un soldat amoureux. C’est une chanson antimilitariste, qu’Hendrix joua à Woodstock L’antimilitarisme de Jimi n’est pas un opportunisme, mais une prise de conscience radicale : une chanson contre la guerre du VietNam.

« Room Full Of Mirrors »


Malgré son titre, « Room Full Of Mirrors » n’est ni une chanson érotique, ni un air  narcissique, ni une attraction de fête foraine. Le morceau apparaît en octobre 1971, sur Rainbow Bridge, le second album posthume. Le rythme en est très enlevé, très prenant.

« Sunshine Of Your Love »

C’est la reprise du célèbre morceau des Cream, de Jack Bruce et Clapton, sur les BBC Sessions. La version originale figure sur le second Cream, Disraeli Gears.

« Takin’ Care Of No Business »


Ce morceau figure sur Axis Outtakes. Il s’agit d’une pochade déjantée, un peu  revival 1925 comme c’était la mode alors. On peut la rapprocher du Only In It For The Money, le pastiche des Beatles par les Mothers Of Invention, du « Happytoystown » des Small Faces, sur Ogdens nut Gone Flake, qui lui est postérieur, et du « On With The Show », la clôture cockney de Their Satanic Majesties Request.

« Hound Dog »


Hendrix reprend le rock de Jerry Leiber, popularisé par le « King », sur les BBC Sessions et fait le chien de meute (c’est Noël Redding qui grogne et aboie ?). L’interprétation de Jimi se termine sur un déluge sonore : le chien de chasse s’est définitivement perdu dans quelque forêt psyché. C’est la meute errante des souvenirs qui se déchaîne ici, et la lune brûle et hurle…




Brouillard violet, brume cheyenne, déluges sonores : avec Jimi Hendrix on a déjà exploré la lune, Mars et Vénus, visité toutes sorte de galaxies, « Vers l’infini et au-delà », comme le disait Buzz l’éclair, le cosmonaute de Toy Story…
On attend donc de pied ferme ce quatrième album studio que nous promet Sony, et qui risque de nous emmener carrément vers les Mines de Saturne et les vallées de Neptune…

La signature de *** avait disparu des tabloïdes : il concoctait une histoire du rock psyché. Il l'écrivit péniblement dans les différentes stations thermales où il séjourna, jusqu'à sa fin prématurée à Luchon, où il cracha un bout de poumon très noir, comme un solo posthume d'Hendrix.

Souvent Jimi avait des idées bizarres. Il croyait que le vent pleurait une certaine Mary. L’abus de toutes sortes de drogues n’avait rien arrangé. Il pensait qu’il avait attrapé une sorte de dermite en feuilletant un vague grimoire. C’était comme une idée fixe chez lui.
Il avait tout fait pour s'en débarrasser. Il avait d'abord fait le tour des médecins. Mais rien n'y faisait. Il avait fini par aller voir des rebouteux aux fins fonds des campagnes. Il avait franchi les marches d'Irlande, consulté des gens spécialisés dans les anciens cultes. Ils avaient des livres tachés de beurre rance. Ils les consultaient longtemps avant de lui répondre, restaient silencieux, hochaient la tête, baissaient les yeux. Ce n'était pas bon signe. Noel Redding, Mitch Mitchell et même Chas Chandler son manager s’étaient désintéressé du problème...
Jimi  restait persuadé qu’il avait été victime d'essais bactériologiques ou chimiques. Mais les vieux sorciers lui avaient dit, moitié goguenard, moitié l'air grave, que leurs pères et leurs aïeux étaient déjà morts ainsi. Ils avaient ajouté qu'il ne fallait pas manger n'importe quoi de ce qui pousse dans les ronces, ni ouvrir n'importe quel livre, ni visiter les vieux châteaux abandonnés. « Ne vous précipitez pas sur tous ces fruits noirs ! Ne ramassez pas les foulards qui traînent dans les forêts. Si vous trouvez du linge dans des manoirs sordides et anciens, laissez-le ! »
Il y eut bien un rebouteux qui lui redonna confiance, un court instant. C'était un homme sordide. Ses pieds dégageaient même une odeur cadavérique. Ses chiens écumaient dans la cour. Mais il était d'une intelligence rare. Des yeux gris étincelants. Le visage de quelqu'un qui avait franchi tous les vieux ponts d'argent quand se fermaient les villes. Ce mage était allé bien au-delà du château des Vermines, jusqu'aux landes de Sang-De-Bœuf, jusqu'aux dolmens. C’était tout ça que Jimi jouait sur sa guitare, tout ça, et rien d’autre. Il savait par cœur des formules d'incantation d'une efficacité douteuse. C'était souvent des bouts de fables, des formules de contes. Mais le vent pleurait toujours une certaine Mary…


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Jérôme Pintoux



Revu le 19.2.2010

Coffret The Doors. The Complete Studio recordings (1999)

Coffret The Doors. The Complete Studio recordings (1999)

Mini bio
C'est le titre de l'essai d'Aldous Huxley, The Doors of Perception, qui a inspiré le nom du groupe. « Les Seuils », plus que « Les Portes ». Un groupe de rock, formé en 1965 à Los Angeles, par James Douglas Morrison (chant), Ray Manzarek (claviers), Robbie Krieger (guitare) et John Densmore (batterie). Les Doors n'avaient pas de bassiste. C'était Ray Manzarek, le claviériste, qui assurait les parties de basse, sur un second clavier, le Fender Keyboard Bass.
Robbie Krieger, c’est l'homme de l'ombre, un petit guitariste, timide, à moitié chauve. Il jouait bien, mais son jeu était limité. C'est pourtant lui qui composa « Light My Fire ».
Ray Manzarek, on le connaît pour les arabesques et les fioritures de son orgue. C’était le second couteau de Morrison.
John Densmore, c’était le batteur. Il avait un style jazzy, comme Charlie Watts.
Le coffret reprend les six albums studio plus un CD d’inédits au titre pompeux, « Essentiel Rarities », constitué surtout des démos très anciennes (1965) et des morceaux live, plus un inédit aviné « Woman is a devil ».

Le livret
C’est une boîte où l’on peut ranger les sept albums des Doors, des mini répliques des albums originaux, mais la boîte n’est guère pratique. Le livret est bien fait : des photos jamais vues et toutes les paroles des albums officiels. La photo de la couverture vient des sessions du premier album, c’est une variante de la pochette de l’album de 1967. Le long texte de présentation est signé Dave DiMartino.

Le contenu
Le premier album : The Doors (janvier 1967).
“Break On Through (To The Other Side)” ouvre magistralement le premier album. Le succès fut immédiat aux Etats-Unis. Mais en Europe ce morceau fut longtemps éclipsé par la version tronquée de « Light My Fire », et dans une moindre mesure par « The End ». Il fallut attendre le film d'Oliver Stone pour redonner une seconde jeunesse à « Break On Through ». Il en existe une excellente version live, peut-être supérieure à la version studio, sur l'album « Essential Rarities ». Elle a été enregistrée au festival de l'Ile de Wight en 1970, où pourtant la prestation de Jim fut sévèrement critiquée. Cependant, cette version percutante montre que Jim n'avait perdu ni son charisme, ni son talent.
Sur « Soul Kitchen », « The cars crawl past all stuffed with eyes », « Les voitures passent en rampant toutes farcies d'yeux ». Les autos, ici, deviennent des monstres.
« The Crystal Ship » fait songer au « magic swirling ship » de Dylan (« Mister Tambourine Man »), ou à la barque de Râ (« Waiting For The Sun »). Morrison y affiche une désinvolture plutôt prétentieuse : « Quand nous reviendrons, je griffonnerai quelques lignes ». Le vocabulaire aussi semble assez pédant : « Avant que tu ne glisses dans le sommeil… »
La chanson suivante, c’est « Twentieth Century Fox » : « Oui, elle est maigre comme c'est à la mode / Elle ne perd pas son temps en bavardage primaire / C'est une renarde du vingtième siècle"
Sur une musique de Kurt Weill, le dramaturge allemand Bertolt Brecht a écrit « Alabama Song » (de « L'Opéra de Quat'sous »), chanson d'ivrognes déambulant sous la lune d'un Etat du Sud (« to the next whiskey bar »), rôdant de rade en rade. Cette reprise constitue un véritable hommage et inscrit le groupe dans la théâtralité.
Sur « Light My Fire », le feu symbolise le désir. Une version, bassement amputée de trois minutes, sortira en simple pour plaire à "Elektra" et pour passer à la radio. On en a supprimé toute la partie instrumentale, les arabesques de Manzareck...
“Back Door Man”, c’est un blues de Willie Dixon. La reprise des Doors est fabuleuse. C’est l'un des sommets de ce premier album. C’est très réussi, très efficace, très bien chanté, avec une rythmique efficace. « Je suis l'homme de la porte dérobée / Les hommes n'y voient que du feu / Mais les petites filles sont au courant ». Morrison était, avant tout, un chanteur de blues. Comme Robert Johnson il était hanté par le fameux carrefour, où l'on rencontre le diable, dans un bled du Mississipi. « The Crossroads, a place where ghosts », « La Croisée des Chemins, lieu où résident des fantômes ».
Quant à “The End“, c’est un célèbre talking blues. “This is the end, beautiful friend". “Voici la fin, mon bel ami". Coppola a utilisé cette chanson dans « Apocalypse Now » pour rendre le désarroi des G.I. au Vietnam. Les paroles relèvent de l’inceste et du parricide : « Mother, I want to... » Morrison ne traînait pas un Œdipe « gros comme ça ». Il avait plutôt un certain sens de la provocation... Cela renvoie aussi au théâtre de la cruauté. C'est Artaud tout entier à sa proie attaché...
Deuxième album : Strange Days
Dix mois seulement le séparent du premier. Ce deuxième "opus" est bien plus léger, plus "pop", comme si beaucoup de stress avait été évacué. L'atmosphère est moins lourde. Seule la pochette est anxiogène, avec ces "freaks" et ces saltimbanques bizarres, ce nain qui tend un tambourin à cette femme hiératique, vêtue d'un sari.
Sur « You're Lost, Little Girl », le chant se fait emphatique. Jim ne va faire qu'une bouchée de cette petite fille perdue. Morrison n'évite pas toujours la grandiloquence, même dans les chansons douces. Or, la déclamation peut faire pencher le rock vers la théâtralité, vers l'excessif. L'écueil est cependant évité de justesse, et la chanson est magnifique, immense.
Sur « Love Me Two Times » on songe à un type qui doit rejoindre les troupes, au Vietnam. Il veut pleinement profiter du "repos du guerrier". C'est peut-être la dernière fois qu'il voit sa copine…
Sur « My Eyes Have Seen You », la voix a l’air encore jeune. Voici l’une des plus belles chansons de « Strange Days ». Elle a influencé le « Rape Me », de Nirvana.
Le Troisième Album : Waiting For The Sun
 « Unknown Soldier », cette histoire de peloton exécution est toujours aussi impressionnante. « Spanish Caravan » est une étude de Krieger, dans le goût espagnol.
« My Wild Love » est une complainte psalmodiée et répétitive. On dirait un pow-wow, une de ces réunions solennelles d'Indiens d'Amérique du Nord.
« We Could Be So Good Together” rappelle l'ambiance d'“Alabama Song”. Elle aurait pu figurer sur le premier ou le second LP.
« Yes, The River Knows », chanson douce et apaisée, annonce certaines plages de « Morrison Hotel » (notamment « Blue Sunday » et « Indian Summer »).
Le disque se termine sur un blues-rock. On y retrouve un peu l'ambiance pow-wow de « My Wild Love ». Au total, un album en dents de scie, avec un « pic » (« Unknown Soldier »), mais d'une inspiration beaucoup trop inégale.
Le Quatrième Album : The Soft Parade
Le quatrième album est généralement le moins apprécié des six. On lui reproche souvent des orchestrations trop somptueuses, une certaine perte d’inspiration, des compositions faiblardes. « Tell All The People », signé Krieger, est chanté avec emphase. Les cuivres n'arrangent rien. On devine la carrière de crooner que Jim aurait eue, s'il avait vécu…
« Touch Me », c'est un grand classique, parfaitement orchestré, un peu trop formaté pour les radios de l'époque peut-être, mais encore enthousiasmant : du grand Morrison. C'est encore du Krieger. Ils formaient un tandem parfait.
Quant à « Shaman's Blues », le titre fait tellement Jim Morrison que c'en est presque caricatural. Ce n'est pas une mauvaise chanson, mais la guitare y est omniprésente, et le jeu a vieilli. Assez insupportablement, Morrison se voulait une sorte de « chaman », ce sorcier des steppes qui communique avec les « esprits » par les techniques de l'extase et de la transe. Le film d'Oliver Stone est basé sur cette imagerie datée.
« Do It » manque un peu d'inspiration. Néanmoins, cela s'écoute. Mais cette chanson fait un peu petite montagne à vaches à côté des sommets de « Light My Fire », « Hello I Love You », et tant d'autres. « Easy Ride » semble une sorte de boogie woogie, marqué par une rupture de rythme : une chanson bien enlevée, pas désagréable, mais on a connu The Doors plus inspirés.
« Wild Child » évoque un totem, un fétiche africain. Cela a peut-être inspiré à Syd Barrett les paroles d' « Opel », sur son erratique troisième album, tout de bric et de broc. « Enfant sauvage, pleine de grâce » semble une contrefaçon insolente du « Je vous salue, Marie », la douce prière chrétienne.
« Runnin' Blue », c'est un hommage (signé Krieger) à Otis Redding. « Pauvre Otis, tu es mort, tu es parti ». On note une allusion à « Dock Of The Bay », le succès posthume de ce chanteur de rhythm and blues. « Dock Of The Bay » se passe à L.A., l'une des villes-fétiches de Morrison. On sent la tendresse, l’apitoiement sincère sur un bluesman défunt, qu'il appréciait, et qu'il regrette. Une « Square dance » amusante émaille le morceau. On songe à un vieux western, avec Kirk Douglas.
« The Soft Parade » rappelle à la fois « Parade », de Rimbaud (qui semble évoquer un défilé de pirates ou de saltimbanques), et « The Soft Machine » de Burroughs, récit vénéneux et sordide. C'est le morceau de résistance de l'album. Huit minutes quarante, avec des animaux emblématiques, « Un cobra sur ma gauche, un léopard à ma droite ».
Le Cinquième album : Morrison Hotel
L'album de la sérénité, mais cette sérénité s'avérera éphémère.
« Hard Rock Café », c'est le titre générique de la première face. Elle s'ouvre sur l'âpre et percutant « Roadhouse Blues ». « Je me suis réveillé au matin et je me suis fait une bière, Le futur est incertain, et la fin est toujours proche ». Jim "savait" peut-être qu'il ne vivrait pas longtemps.
« You Make Me Real“ est un rock très efficace, bien enlevé. La voix colle aux instruments. C'est un vrai groupe, uni, soudé. « You Make Me Real », « Light My Fire » comme “I Want You” de Dylan, sont des chansons de désir, d'où toute sentimentalité semble bannie.
« Blue Sunday » paraît serein. Jim se fait crooner psyché. Sinatra n'est pas loin. Lou Reed non plus : "Indian Summer" préfigure "A Perfect Day", sur « Transformer » en 1972.
« Ship Of Fools » reprend un vieux thème médiéval, littéraire (Brant), et pictural (Jérôme Bosch). Au Moyen Age et à la Renaissance, on se débarrassait perfidement des fous en les embarquant sur des bateaux. Puis il y eut le grand enfermement…
Deux chansons de marine à la suite. L'une termine la première face, l'autre débute la seconde, avec son cri de vigie : « Ohé ! Terre en vue ! » (« Land Ho ! ») :
Il s’agit d’un texte faussement autobiographique, donc ironique. Le chanteur s'invente un ancêtre marin, sur un baleinier, une sorte de capitaine Achab ou de Ned Land. On reprend l'univers de Melville, de Jules Verne : « Moby Dick », « Vingt Mille Lieues sous les Mers », ou « Le Capitaine Hatteras ». Les confidences du grand-père sont des souvenirs fictifs.
« Indian Summer » est encore une chanson très sereine, avec son rythme très lent, paisible, bucolique, « estival ». L’été indien, chez nous, c'est l'Eté de la Saint Martin. Brassens l'a chanté, sur « Saturne ».
Le sixième et dernier album L. A. Woman
« Love Her Madly »  est une des rares chansons « pop » des Doors.
Sur L.A. Woman dont les initiales forment "LAW", la Loi, on trouve la fameuse anagramme, qui fit couler beaucoup d'encre : "Jim Morrisson" = " Mr Mojo raisin' ". Comme si une Malédiction se levait soudain…
 « Crawling King Snake » : Il s'agit d'une reprise d'un titre de John Lee Hooker. Morrison reprendra cette imagerie du Roi Serpent...
« Riders On The Storm » : Le « Midnight Rambler » des Stones n'est pas loin (« Let It Bleed »). Le tueur de prostituées de White Chappel est-il présenté comme un excentrique qui aime bien se balader la nuit ?… Morrison dit : "There’s a killer on the road". C'est l'orage qui enfante le criminel ? L'orgue et ses notes cristallines visent à rendre le ruissellement de la pluie, l'atmosphère inquiétante, anxiogène, théâtrale.

Critique  et outtakes (« Essential Rarities »).
Ce coffret, sorti en 1999, a un son quasi parfait (24bits). Il contient plusieurs raretés, dont  « Whiskey, Mystics And Men », « Orange County Suite », et un inédit aviné, « Woman Is A Devil ».
Les vieilles démos de 1965 (« Hello, I Love You » ; « Moonlight Drive ») sont fort intéressantes. On y sent l'influence déterminante des Rolling Stones. La voix de Morrison n'est pas encore mise en valeur, et un harmonica bluesy occupe le devant de la scène.
Hello I Love You” aurait été démarqué sur le “All Day And All Of The Night”, de Ray Davies. Mais le morceau de Doors a bien sa propre personnalité. Il en existe une démo très ancienne avec un harmonica bluesy. On songe même à « Not Fade Away ».
Quant à « Queen Of The Highway », il en existe une version alternative, avec un piano bastringue. Elle est plus dépouillée que sur « Morrison Hotel ».
La démo de «             Hyacinth House », très mélodique, figure aussi sur l'album de raretés.

Renaud cite Morrison dans « P'tite conne ». C'est l'histoire d'une junkie défunte. Le chanteur semble amoureux de la fille-zombie. Mais il s'est fait snober. La demoiselle est morte des suites d'une overdose : « A ne pas vouloir vieillir on meurt avant les autres / P'tite conne / Allez repose-toi / Tout près de Morrison / Et pas trop loin de moi ». On ne peut pas dire que la rime soit élogieuse... Jim méritait mieux.

Jérôme Pintoux
Le 19.9.2010

Coffret Clapton. Crossroads

Coffret Clapton. Crossroads

(1988)

Mini bio
On ne présente plus Eric Clapton, génial guitariste du Swinging London et des décennies suivantes. Dès 65, Clapton quitta les Yardbirds. Il voulait jouer du blues, n’avait que dédain pour le reste. Il fut engagé par Mayall, un ancien publicitaire de Manchester. Ce Mayall, je l'ai vu deux fois sur scène au Marquee, en 69, à l'époque du « Turning Point », et en 2010 il tourne encore ! Il avait encore cet air de Faune, prétentieux et arrogant. Imbu de lui-même, très satisfait de son petit talent. Mais c'était un découvreur de musiciens hors pair. Il savait tirer des gens tout le potentiel qui y sommeillait. Clapton fut donc engagé. Jamais Mayall n’avait entendu un guitariste sonner ainsi, avec une telle technique, un tel feeling, une telle aisance. On le surnomma « slowhand » par antiphrase. Jamais un Blanc n’avait joué si vite, ni si juste. Il y en eut même pour le diviniser… Clapton n’en demandait pas tant. C’était un petit gars qui voulait jouer du blues, et, si possible, du Chicago Blues.
Mayall engagea comme bassiste un jeune Ecossais qui sortait du conservatoire de Glasgow, où il avait étudié le violoncelle. Ce musicien se nommait Jack Bruce. Très vite sa complicité avec Clapton  fut évidente. Les deux hommes trouvaient un réel plaisir à jouer ensemble. Mayall, au début, n’en prit pas ombrage. Les ventes des Bluesbreakers avaient commencé à décoller. La mode, enfin, était au blues.
L’idée de « Cream » revient à Ginger Baker, un grand type hâve, pas facile à vivre, plutôt « grande gueule ». Le trio se forma sous de mauvais auspices. Il y avait déjà tout un contentieux entre Ginger et Jack Bruce, des bagarres, des mésententes, une querelle de préséance. Néanmoins, ils s'estimaient comme musiciens. Après un premier album, Fresh Cream, avec les trois types en aviateurs sur la pochette, et des 45 tours un peu convenus, on passa aux  choses sérieuses. Ce fut Cream… Puis il y eut d’autres formations et la carrière solo que l’on connaît et qui dure toujours.
Le livret/artwork
Je possède la réédition Long Box de 1996, en 4 CD.  Le livret fait 44 pages et comporte 25 pages de notes sur la carrière de Clapton par Anthony DeCurtis, de la revue Rolling Stone. Les morceaux sont détaillés dans les pages suivantes, avec dates et lieux d’enregistrement (des précisions bienvenues), sur pas moins de douze pages grand format ! On trouve aussi des visuels de tous ses albums jusqu’à « August », hélas ! en noir et blanc.
Contenu
Ce coffret de 4 CDs présente tous ses classiques plus une douzaine d’enregistrements rares ou inédits. Ils sont classés dans l’ordre chronologique : le Yardbirds, les Bluesbreakers de John Mayall, Cream, Blind Faith, Delanney and Bonnie and friends, Derek and the Dominos et les albums solo.
Sur le premier CD, on retiendra la version de Boom Boom de John Lee Hooker par les Yardbirds, le « For Your Love », de Gouldman, le tube qui lança les Yardbirds, et surtout la période Cream, la plus riche de Clapton.
Sur « Tales Of The Brave Ulysses » le jeu de Clapton semble parfait. Le texte en est intéressant mais il n'est pas assez dément pour être psyché. Malgré les petits poissons violacés qui frétillent en riant entre les doigts. On retrouvera ce type de paroles, mais en plus original chez Andy Partridge (« Jason And The Argonauts », sur English Settlement). Sans oublier les géniaux « Sunshine Of Your Love » et « Strange Brew », les Cream dans toute leur splendeur. Sur le second CD, encore du Cream. Des extraits du troisième album, l'excellent « Wheels Of Fire » (août 1968). On écoutera toujours le sublime « Crossroads » live, et « Badge », composé par George Harrison en collaboration avec Eric, une mélodie digne des Beatles d'Abbey Road, avec le gimmick de « You Never Give Me Your Money. »  On entend la voix chaude et noire de Stevie Winwood sur « Presence Of The Lord », une chanson mystique de la période Blind Faith. Puis il y eut « Layla », morceau dédié à Pattie Boyd. On en trouvera ici la version électrique (Derek and the Dominos) mais pas la version acoustique.
Sur le troisième CD, on retrouve la reprise de Bob Marley, « I Shot The Sheriff », enregistrée en décembre 1974, et celle de Dylan « Knockin’ On Heaven’s Door », traitée façon reggae (c’était la mode).
Sur le quatrième CD, un morceau avec Bob Dylan, « Sign Language », extrait de No Reason to Cry (1976). Sans oublier la grande reprise de J.J. Cale (« Cocaïne »).
Critique
Une bonne compilation 1965-1988, mais les inédits ne m’ont pas semblé très intéressants : il y a « Further On Up The Road », qui date de 1977, il y a surtout des morceaux durs à dénicher, des « extra tracks » qui ne figurent que sur des « 12 ’’singles » comme « Wanna Make Love To you ».
Clapton, c’est l’un des guitaristes les plus doués de tous les temps.

Jérôme Pintoux
Le 19.9.2010

Coffret « Regards sur le cinéma nord-coréen » (Wild Side) **

Coffret  « Regards sur le cinéma nord-coréen » (Wild Side) **
Ce coffret réunit quatre films sur le cinéma d’un des pays les plus mystérieux, l’un des plus fermés à l’occident. Mais il est des mystères qui cachent parfois bien des banalités.
Le Journal d’une jeune nord coréenne, c’est de loin le plus moderne du lot. Il date de 2006, mais, d’après les tenues vestimentaires, on dirait un film des années 60. Une étudiante se révolte contre son père. Le réalisateur (JANG in-hak) insiste sur le quotidien de la jeune fille. Cette histoire a quelque chose d’émouvant, de prenant. On partage l’intimité d’une famille, ses peines, ses joies. Le père n’est jamais là : il exerce un travail énigmatique dans une usine. La mère, une bibliothécaire, passe ses nuits à traduire des ouvrages qui serviront à son mari… On la voit qui s’endort sur ses livres…
Le film le plus ancien, La fille aux fleurs, date de 1972. C’est une histoire de résistance. Une petite fleuriste vit dans la pauvreté et sa famille aussi. Elle se révolte contre les Japonais et les aristocrates coréens, de mèche avec les envahisseurs. Il s’agit d’un film réalisé par PARK Hak et CHOI Ik-kyu.
La légende de Chunyang date d’une trentaine d’années (1980) : une fresque historique, qui se passe au XVIIIème siècle. Au début, on songe vaguement au Manon Lescaut, de l’Abbé Prévost, au chevalier Des Grieux tombant sous le charme de Manon, la belle catin. Un aristocrate tombe amoureux de la fille d’une geisha, un peu comme si, en Occident, un prince avait un coup de foudre pour la fille d’une prostituée. Le système des castes est terrible. Leur amour est mal vu, proscrit. Le jeune homme est obligé de partir : son souverain l’appelle à la cour. La jeune fille reste seule, mais des gens corrompus la courtisent… Saura-t-elle leur résister ? Le spectateur lui même saura-t-il résister ? Surtout à l’ennui que distille ce film qui dure tout de même 2 heures 26… Ce long métrage a été tourné par YOO Won-jun, en collaboration avec YOON Ryong-gu. Une œuvre délicate. Hélas, cette délicatesse n’est pas dépourvue d’une certaine mièvrerie qui peut la rendre ridicule ou du moins difficile à accepter à nos yeux d’Européens.
Quant au Calice (1987), c’est une œuvre rouge : deux amoureux sont obligés de se séparer à cause de leurs divergences idéologiques. Pire que les clivages esthétiques, les clivages politiques. L’homme veut réussir en tant qu’architecte : ce n’est sûrement qu’un sale petit bourgeois… Il mériterait d’être mis dans un camp de travail, cette espèce d’artiste prétentieux… On devrait l’obliger à bêcher la terre, cet esthète décadent… Sa fiancée, plus modeste, préfère rester au village. On évoque l’exode rural et la désertification des campagnes. Mais si vous vous êtes déjà égaré dans la Vienne ou n’importe où dans l’Indre ou dans la Creuse, vous aurez une sensation de déjà vu. Un film réalisé par JO Kyungsoon, sous contrôle politique évident. Big Brother a parfois les yeux bridés.
Ce coffret est disponible depuis le 1er décembre 2010, au prix de 29.99 euros. Les masters ont été restaurés. Ces quatre films sont sous-titrés. Le charme et la délicatesse de certains sont indéniables (Le Journal d’une jeune nord-coréenne).
Jérôme Pintoux Le 28.11.10.

jeudi 2 février 2012

Mayall et Zappa

Un dimanche matin, il y a une quinzaine de jours, j'ai voulu écouter Diary of a band, volume 2, que j'ai en CD : je me suis ennuyé...
 Mayall, ça va, ça passe encore, l'harmonium, la voix, mais il avait un saxophoniste bavard qui mettait tout en l'air, avec ses interventions intempestives, gratuites, lourdement jazzy, sans intérêt.

Il y a deux ans je me suis racheté deux CD de Zappa, les deux plus connus, "Apostrophe" et "Overnite Sensation". Je n'ai pas regretté mon achat, le son est excellent, ça n'a pas vieilli, ça a un côté pop et même Beatles que je suis bien le seul à y trouver. En revanche, j'en ai un troisième, live, dont la pochette est marrante, mais le contenu live n'est pas très bon, je ne l'écoute jamais.
Je ne vais pratiquement jamais sur you tube. En revanche, je "podcaste" sur France Culture les anciennes émissions de Tire ta langue, sur Rabelais, sur le moyen âge, etc.