lundi 27 juillet 2015

The Pogues. Drôle de fairytale.


 

The Pogues

If I Should Fall From Grace With God

(1987)

Folk-rock mâtiné de punk, le deuxième album des Pogues semble hanté par l’ombre de James Joyce. L’écrivain figure même parmi les musiciens. Habile montage… Il aurait bien bu une chope avec le groupe, puis entonné « Dirty Old Town ». Shane MacGowan lui aurait donné une grande tape dans le dos, lui aurait fait son plus beau sourire à la Julia Roberts, avec ses trente-six mille dents, ou ce qu’il en reste.

On relève quelques titres mordants, bien enlevés, une ballade nostalgique, chantée en duo avec la fameuse Kirsty MacColl, l'épouse du producteur Steve Lillywhite. Cette chanson, c’est « Fairy Tale Of New York ».

Un conte de New York ? Pas sûr. D’emblée, le titre a quelque chose d’ironique. On y met en scène un couple d'Irlandais. La partition comprend des instruments classiques (piano, cordes), et d’autres qui sont bien plus populaires (accordéon, batterie, banjo, cornemuse, flûte irlandaise). La tonalité est en mi bémol majeur. Le rythme change en cours de route. On passe d’une mesure binaire à une ternaire. Les paroles valent leur pesant d’or :

« C'était la veille de Noël, chéri, dans ce repaire d'ivrognes, / Un vieil homme m'a dit : « Je n'en verrai pas une autre, une autre année », / Puis il a chanté une chanson, / Alors j'ai pensé à toi. / J'ai misé sur le bon numéro, / Il est arrivé, classé 18 contre 1 / J'ai l'impression que cette année sera la bonne pour toi et moi, / Alors joyeux Noël, je t'aime, mon amour, / J'entrevois des jours meilleurs, / Où tous mes rêves se réaliseront… »

« Ils ont des bagnoles grosses comme des camions, / Z’ont des rivières d'or, / Mais le vent tourne et te transperce, / Ce n'est pas un endroit pour les vieux. / Quand tu m'as pris par la main pour la première fois, / En cette veille de Noël où il faisait si froid / Tu m'as promis que Broadway m'attendait / Tu étais magnifique, tu étais belle / La Reine de New York ».

« Quand le groupe a eu fini de jouer / Ils ont réclamé d'autres morceaux / Sinatra chantait du swing / Tous les gens beuglaient, fin saouls / Nous nous sommes embrassés, et nous avons dansé toute la nuit ».

« Les gars de la chorale des flics chantaient la Baie de Gailway / Et les cloches de Noël carillonnaient ».

Puis l’ambiance se dégrade terriblement, vire à la scène de ménage entre gens bourrés. Le couple se donne en spectacle… On est un peu gênés pour eux, même si c’est du théâtre after-Punk…

« Tu es une feignasse, une crapule / T’es qu'une vieille pute camée / Tu gis là, presque morte, reliée à une perfusion, sur ce grabat…

- Et toi, un vieux tas dont personne ne veut, / Espèce de larve…

- Toi, misérable pleine de poux…. /

- Joyeux Noël à toi, mon salaud, / Je prie Dieu pour que ce soit ton dernier, / J'aurais pu être quelqu'un de bien, / Tu as brisé tous mes rêves »

De telles paroles ne peuvent laisser indifférent. Comme on est loin d'un Noël traditionnel... On voit des clodos, des ivrognes… Loin des images sécurisantes, habituellement liées à la Nativité… Cependant il y a une certaine gaieté dans la mélodie, une certaine nostalgie dans la reconstitution des années d'Après-guerre. On peut même songer aux Noëls blancs d'antan. Le quart monde à New York.

Le second couplet a l’air tout à fait optimiste. Il y est question d'amour, de jours meilleurs. Mais ces images d'espoir tombent vite à l’eau. La loi de la jungle et le chômage reprennent vite le dessus. « Dirty Old Town » semble toujours en filigrane chez les Pogues.

Il y a aussi un morceau génial que MacGowan chante avec une fougue dylanesque, « If I Should Fall From Grace With God ». Shane a une voix éraillée, comme s'il n'avait pas dessoulé depuis la nuit des temps, comme s’il avait bu toute l’eau du Mississipi, tout le vin de la Californie, tout le whisky des Highlands. Kirsty a un timbre plus assuré.

Le fantôme boueux de Tom Waits rôde dans le secteur.
 
 
Extrait de mon livre OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE (camion blanc)

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