mardi 21 juillet 2015

Tyrannosaurus Rex


Tyrannosaurus Rex et T.Rex

Il y eut un chanteur magique autrefois. Il passa comme un météore dans les cieux élevés de la vieille Angleterre. Sa guitare ne pleurait jamais gentiment. Il ne s'intéressait qu'aux filles des marécages, aux feux follets. Tourmenté par le fantôme de l’électricité. Une sorte de visionnaire, perdu dans des mondes oniriques. Un émule de Cochran, de Lennon et de Blake. Il nous a laissé les textes les plus obscurs de toute la scène psyché. On cherche encore leur sens dans le Gaffiot... A ses côtés, le grand William semble limpide, Mallarmé clair comme de l'eau de roche. Mais demandez donc à Shakespeare et à Mallarmé de jouer du Boogie Woogie...

My People Were Fair…

A ses débuts, on disait de Bolan qu'il chantait comme Sonny Bono, de Sonny and Cher, les créateurs d'« I Got You, Babe », en1965. Bien vite, on l’a appelé dans la presse « John the Lamb », à cause de sa voix chevrotante, puis « the national elf », à cause de son imaginaire. Sa voix avait un vibrato caractéristique, très accentué. On le trouvait soit énervant, soit génial. Il ne laissait personne indifférent. Le vibrato est une légère ondulation du son produite sur les instruments de musique (cordes ou vents) ou avec la voix. Ce vibrato, certains, mal intentionnés, le prenaient pour un bêlement. D’où ce sobriquet ridicule de « Jean l’agneau », qui n’a pas d’équivalent en français. Julien Clerc bêle lui aussi, mais sa voix est plus virile. Même John Lennon a peut-être imité Bolan dans « Cold Turkey ». Puis on a méchamment appelé Bolan en fin de carrière « England's Porky Pixie », « Le Lutin Porcin de l'Angleterre »... Sobriquet tardif pour quelqu’un qui portait déjà un nom d’emprunt, un mélange de « Bob » et de « Dylan ».

Le psychédélisme est souvent un surréalisme tardif, une réhabilitation totale de l’imaginaire et de ses prestiges. Bolan fut sûrement le grand poète de son époque.

« Desdemona », avec le groupe John's Clidren (Lennon ?) fut censuré en 1967 : « Lift up your skirt anf fly », « Soulève ta jupe et envole-toi ». On le voit, la censure de l'époque ne rigolait pas avec les vagues allusions sexuelles. La chanson fut interdite à la BBC, comme le « Arnold Layne » de Barrett la même année.

Petites annonces

C'est par une petite annonce que Marc recruta Steve Took, son premier percussionniste, en juillet 67. Au début, ils jouaient dans le métro, à l'angle de Hyde Park, à Marble Arch Station. On les vit aussi au pied de la statue de Peter Pan. Sous les frondaisons des grands arbres, ils s’asseyaient en tailleur au bord de la Serpentine, la petite rivière qui traverse capricieusement le Park. C’était un des lieux de prédilection de Bolan. Il venait souvent y rêver, y écrire.

Took (Steve Peregrin)

Né Steve Porter, le 28 Juillet 1949, Took avait alors 18 ans. Il garda son prénom et prit le nom d’un personnage de Tolkien. Peregrin, c’est le surnom d’un Hobbit, un compagnon de Frodo. Steve Took savait jouer des percussions et des tablas, à la manière des musiciens de Ravi Shankar. Il se mit aux bongos. « Love You Too » sur Revolver, et « Within You, Without You » furent des chansons déterminantes.

Même sur les démos, sa frappe est spéciale et son jeu original. Mais il avait un problème avec les drogues dures, et bientôt il ne fut plus que l’ombre de lui-même. « Tyrannosaurus Rex was Marc Feld and a spectral figure called S. Took ». Il ne participa qu’aux trois premiers albums. Ils se séparèrent suite à une série de mésententes, de rapports conflictuels. Steve eût voulu écrire et composer mais Marc ne le lui permit pas. Dans « tyrannosaurus » il y a « tyran »... Took essaya d’entamer une carrière solo, mais ne connut aucun succès. Il décéda en 1980, âgé de 31 ans seulement, non pas des suites d'une overdose comme on le croit généralement (même s'il avait de gros problèmes de santé et d'addiction), mais en s'étranglant avec un noyau de cerise. Il semble que Bolan ne l'ait pas considéré comme un batteur extraordinaire. En revanche, Marc appréciait énormément ses qualités vocales, son sens des harmonies, la justesse de son chant. Ses performances en tant que percussionniste sont généralement sous-estimées.

Tony Visconti

Brillant producteur de Bolan, il contribua lui aussi au son de Tyrannosaurus Rex. Visconti fut le George Martin de Bolan et de Bowie, une sorte de Mentor.

Bolan, vrai hâbleur, lors de sa rencontre avec Visconti, prétendit que Lennon lui avait déjà proposé un contrat, un pont d'or, pour enregistrer dans les studios d'Abbey Road. Comme on le voit, il y allait au culot.

Tony Visconti, Autobiographie. Bowie, Bolan, et le gamin de Brooklyn.

Dans son autobiographie, Tony Visconti parle de Bolan. C'est un témoignage de première main. L’auteur évoque sa rencontre avec Tyrannosaurus Rex. Le duo se produisait au club UFO à Tottenham Court Road. « De vrais hippies bohèmes qui devaient vivre dans une roulotte, dans un bois aux abords de Londres ». Visconti relate leur première audition : « Ils se trimballaient avec le tapis marocain sur lequel ils avaient joué la veille au soir, un sac rempli de percussions et Marc tenait sa guitare sèche, sans caisse, à la main. J’ai remarqué qu’il manquait une mécanique à la corde de sol, et Marc a utilisé une paire de pinces pour l’accorder ». On y apprend des détails surprenants : les Beach Boys auraient influencé le son d’Unicorn.

Le nom du groupe

Il vient d’un cauchemar. Marc l’a souvent répété. Il aurait vu, à la fin d’un rêve, un tyrannosaure se dresser devant lui. Cette image onirique l’aurait réveillé en sursaut. Tyrannosaurus Rex, c'est le primat du songe sur la vie réelle. Comme dans le cas de Nerval. C'est la mise en avant de cette figure monstrueuse, apparue en rêve, le grand saurien du Jurassique, dont il avait sûrement vu les restes au Natural History Museum de Kensington, l’ossature reconstituée par quelque Cuvier. Bolan était fasciné par ce monarque thériomiorphe, issu d'une monarchie antédiluvienne. Un Monstre tout-puissant. Le plus terrible prédateur qui ait jamais existé…Carnivore et nécrophage. Indirectement, cette image nous renseigne sur sa volonté de puissance. Warlock of Love, son recueil de poèmes, se termine par le surgissement de ce « 666 » antédiluvien. Bolan était fasciné par les « bad dreams »

Un texte du regretté John Peel figure en lettres gothiques, au verso de la pochette du premier album :

Tyrannosaurus Rex surgit des feuilles tristes et effrayantes d’un très ancien été. Durant l’hiver dur et gris, ils furent soutenus par ceux qui les aimaient. Ils fleurirent avec la venue du printemps. Les enfants se réjouirent et la terre chanta avec eux. Ce sera un long et extatique été.

On attendait donc beaucoup de ce duo. Comme si l'album allait faire ressurgir le fameux Summer of Love, l’été d’avant …Mais « All You Need Is Love », c’était déjà de l’histoire ancienne.

Un titre à rallonge

Le titre exact, c’est My People Were Fair And Had Flowers In Their Hair But Now They’re Content To Wear Stars On Their Brow. Toute une strophe…Mes gens étaient beaux et ils avaient des fleurs dans leurs cheveux, mais à présent ils sont satisfaits de porter des étoiles sur leurs fronts… La mode, certes, était aux titres à rallonge.

L’an d’avant, on avait eu Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, ou Their Satanic Majesties Request, ce qui n’était guère commercial. Mais personne n’avait encore osé mettre tout un poème comme titre d’un LP.

La suite, dans OLD WAVE (camion blanc editions)

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