mardi 8 septembre 2015

U2. The Unforgettable Fire


U2

The Unforgettable Fire

(1984)

The Unforgettable, c'est du rock héroïque de 1984 (vingt-huit ans déjà), après l'extraordinaire « New Year's Day » sur War (1983) : pas mal mais sans grand éclat, au son un peu trop familier, un peu trop connu, comme des drapeaux, des oriflammes ou des bannières, qui seraient restés trop longtemps au grenier. Oubliés dans un coin, ils auraient pris la poussière. On les aurait nettoyés scrupuleusement, minutieusement. On aurait tenté de rafraîchir leurs couleurs passées, mais ils se seraient surtout déployés au vent dans les années 80 : les tempêtes des années 2010 semblent les ignorer, ils restent souvent en berne ou se déploient avec raideur.

C’est pourtant un album cohérent, sans réel temps faible, sans facilité. On relève surtout trois temps forts : « Pride » (In The Name Of Love) écrit à la mémoire de Martin Luther King, très bien interprété, ainsi que « The Unforgettable Fire » (composée de plusieurs mouvements) et « Bad », produits par Brian Eno et Daniel Lanois.

Parfois on croirait entendre les Simple Minds : la voix de Bono se fait douce et rejoint celle de Jim Kerr. Plusieurs chansons parlent des Etats-Unis, d’Elvis, de l’été indien : on s’éloigne des terres irlandaises.

On note un formidable travail à la batterie que la remasterisation rend bien et accentue. Le batteur, le grand Larry Mullen Junior, aurait été digne de jouer chez Adam and the Ants, avec sa frappe martiale, son sens du rythme. Ce sont tous d’excellents musiciens mais le batteur est l’un des meilleurs de sa génération.

La guitare de the Edge fournit un contrepoint lyrique (et toujours élégant) à la voix du chanteur. La basse est omniprésente.

La pochette représente Moydrum, un de ces châteaux anglais soi-disant hantés, recouvert de lierre. Il n’en reste que quelques pans, qui s’écrouleront un jour. On voit cette ruine sous d’autres facettes sur le livret. Elle semble encore plus démantelée sur les autres clichés (Moydrum, dans la province de Limerick).

Avec War et The Joshua Tree, on pourrait parler de trilogie héroïque ou de trilogie épique, pour ce groupe irlandais qui connut un succès international, et qui perdure.

Extrait d'OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE de J. Pintoux, au Camion  blanc.

Depeche Mode. Speak And Spell.


Depeche Mode
 
Speak And Spell

La pochette de Speak and Spell (« Parle et maudis ») est bizarre. Speak and Spell peut également signifier « Parle et épèle », ce que pourrait dire un instituteur à un élève. Il s'agit donc d'un jeu de mots, d'un titre contextuel. Cette pochette représente un cygne empaillé sur un nid de branches mortes, le tout emballé dans du plastique. Le titre ferait référence à un jouet d'enfant, qui parlerait et lancerait des malédictions, comme dans un conte fantastique.
Il s'agit du premier album d'une toute jeune formation qui jouait d'instruments entièrement électroniques à une époque où le tout guitare était de rigueur. C'était déjà de la New Wave, mais en 1981, on les qualifiait de futuristes.
Ils venaient d'un bled du sud de l'Angleterre (Basildon) et de la classe ouvrière. Ils eurent du mal à s'imposer : on les prit moins au sérieux que leurs concurrents immédiats, Human League ou Heaven 17.
Ils devinrent si « énormes », dans les années 80, qu'ils concurrencèrent jusqu'à U2 sur la scène internationale.
La réédition de ce premier CD offre une qualité de son exceptionnelle. Toutes ces rééditions Deluxe sont confondantes de qualité. Il y a là quelques morceaux sublimes, insoupçonnés. A l'époque toutes les chansons étaient composées par Vincent Clarke, le clavier, qui devait quitter le groupe à l'issue de ce premier album, pour fonder Yazoo, avec la chanteuse Alyson Moyet, puis Erasure. Puis ce fut Martin Gore qui prit le relais.
Les deux derniers titres de l'album, tous deux sortis en single, sont d'une qualité exceptionnelle, « Can't Get Enough », et « Dreaming Of Me ». Dave Gahan s'impose au chant. Sa voix sonne juste. Les autres morceaux s'écoutent avec un certain intérêt.
Le DVD, qui accompagne cette réédition, présente les débuts du groupe sur la scène anglaise, leurs tâtonnements, avec interviews des principaux protagonistes. Ils ont commencé avec de petits claviers monophoniques. Ce n'étaient pas de bons guitaristes : ils ont décidé de jouer de la musique électronique.
Ils ont fait la première partie de Fad Gadget, ont failli signer chez Rough Trade, mais ont finalement été engagés par Mute Records. Au départ, ils avaient l'air d'étudiants bien sages. Leur premier album, à base de Moog Prodigy et de Yamaha a posé les jalons de ce qui allait suivre. Ils ont eu la chance de tomber sur le producteur Daniel Miller, un as du synthé, spécialisé dans les vieux modèles analogiques. Leur premier grand succès, ce fut « New Life » (onzième dans les charts). Le jeu de scène de Dave Gahan imitait étrangement celui de Jim Kerr, le leader des Simple Minds...
Extrait d'OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE de J. Pintoux, au Camion  blanc.

Simple Minds


Simple Minds

Pourquoi les Simple Minds, qui étaient si bons, si doués, sont-ils tombés en déréliction ?

Coquin de sort. Une de ces destinées artistiques dont la trajectoire nous échappe. On voit les artistes au faîte de leur gloire. Puis la mode change : on les oublie. Simple Minds n'échappe pas à la règle. On les connut post-Punk. Néoromantiques d'avant-garde. Ils devinrent ensuite un groupe de stade, vers 1988. Peut-être les seuls rivaux planétaires d'U2. Puis le succès les délaissa, ils replongèrent dans l'anonymat. La critique s'est ingéniée à les conspuer, depuis le succès de « Mandela Day », de leurs tournées internationales. Il y eut en outre plusieurs défections au sein du groupe, qui ne conserva que son noyau dur, le chanteur et le guitariste. Tous deux co-auteurs et excellents compositeurs.

« Promised You A Miracle »

Une blonde glacée, haute couture, hante ce clip. On la croirait échappée d'une pochette de Roxy Music. Le chanteur Jim Kerr se la joue Bryan Ferry, qui lui-même se la jouait Nouveau Brummel…

« Glittering Prize »

Une collection de masques mortuaires, hiératiques et dorés. Tels des masques de pharaon. Ou la pochette de Byrdmaniax, des Byrds, figée, un peu anxiogène. Jim Kerr, Toutankhamon mort-vivant, ouvre les yeux tout au fond de son sépulcre. La douceur de sa voix est telle que l'on fait chuchoter certains mots à la jeune femme glamour qui se promène dans ce mini film. Mais c'est bel et bien Jim Kerr qui les murmure.

« Speed Your Love To Me » (1984)

Des plongées sur Glasgow enneigé. La caméra balaye l’espace. Des images de docks et d’installations portuaires. Une ville écossaise en hiver. Une tristesse septentrionale. Simple Minds nous montre son territoire. Urbain, mais pas seulement. Des images de lochs. Un enthousiasme sans fébrilité. Le charisme de Jim Kerr. On voudrait avoir la pêche du chanteur. Il a l’air sage et jeune. « Speed Your Love To Me » multiplie les panoramiques sur le Loch Ness et le Glagow portuaire. L'Ecosse dans sa multi réalité. Les couleurs du Loch sont étincelantes. Quelques vues des Highlands, qui ressemblent au Massif Central. Hommage aux montagnes d'Ecosse.

« Waterfront »

La vidéo de « Waterfront » alterne les prestations scéniques et les vues portuaires de Glasgow.

« Up On The Catwalk »

« Tout en haut de la gouttière ». Encore le thème du masque, sous la forme du visage peint. Des portraits robots défilent à toute vitesse. Ce qui a mal vieilli, c'est la garde-robe de Jim Kerr…

« Don't You »

Le chanteur évolue dans une pièce encombrée de jouets. Train électrique, cheval à bascule. Salle de jeu, lambrissée à mi-hauteur, comme une pièce de château écossais, où évoluerait un fils de laird.

« Alive And Kicking »

Une vue aérienne des musiciens, allongés dans l'herbe. De belles images de cascades. C'est l'un des clips les plus romantiques qui soient. De superbes paysages (écossais ou alpestres ?) forestiers et montagnards. Une caméra subjective, en travelling arrière, qui se perd dans les bois. Le groupe, sur une esplanade rocheuse, à la Friedrich. Jim Kerr fait semblant de voler. Heureusement qu'il n'y a pas un chasseur dans le coin…

« She's A River »

On dirait du Doors Tamla-Motown.

« Belfast Child »

Croyance en l'avenir. Les enfants seront peut-être moins bêtes que leurs parents : ces stupides guerres de religion cesseront peut-être un jour. Les mouettes sillonnent les champs d'immondices. Une violoniste, nouvelle venue dans le groupe. Un groupe celtique.

Extrait d'OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE de J. Pintoux, au Camion  blanc.