vendredi 31 juillet 2015

Bob Dylan, "It's All Over Now, Baby Blue"


"It's All Over Now, Baby Blue"

 

"You must leave now, take what you need, you think will last.
But whatever you wish to keep, you better grab it fast.
Yonder stands your orphan with his gun,
Crying like a fire in the sun.
Look out the saints are comin' through
And it's all over now, Baby Blue."
 

Cette chanson, des plus poignantes, interprétée dans les aigus, tourne au règlement de compte, avec une ex. Dylan s'y montre particulièrement vindicatif et méprisant :

"All your seasick sailors, they are rowing home

Your empty handed army is all going home"

"Tous tes marins qui ont le mal de mer, ton armée regagne bredouille ses pénates". Voilà tous les amants de "baby blue" de retour au foyer pour assister à son agonie. Il y a même dehors un vagabond qui attend l'issue fatale, vêtu des habits que cette femme portait jadis. Manque plus que Giorgeo le fils maudit, avec des présents pleins les bras...

C'est la chanson la plus cruelle de Bringing It All Back Home, album de la grande fêlure. Une froide complainte sur une petite pute cafardeuse, à l'agonie. Le narrateur ne lui prête aucune assistance, ne fait preuve d'aucune commisération.
(...) Extrait du Dictionnaire Dylan, de J. Pintoux (camion blanc ed).

 

Mick Jagger, Lucky In Love (1985)


Mick Jagger

« Lucky In Love »

(1985)

Cette chanson traite du thème ambigu du winner-loser. C’est un extrait du premier album solo de Mick Jagger sans les Rolling.Stones, She’s The Boss. II s’agit du portrait d’un joueur invétéré. Un portrait humoristique, caricatural, au second degré. « Malheureux au jeu, heureux en amour » dit le proverbe, et ce clip l’illustre. « I’m lucky in love! yes, I’ve got the winning touch » dit le refrain. Cela débute par un gros plan sur Jagger, cheveux coiffés en arrière. C’est la nuit. Le chanteur sort d’une limousine, vêtu d’une cape. Sous sa cape, un smoking blanc. Il entre dans un casino-hôtel, habillé d’une façon élégante, trop voyante. C’est un flambeur, un gambler. Puis on a droit à un flash-back en noir et blanc : on revoit ce personnage petit garçon, déjà joueur. Des gosses des rues jouent aux billes pour quelques pence. Puis on saute vingt ans : surimpression visage / roulette. Une poursuite dans les rues est bien reconstituée : le petit garçon ressemble à Mick Jagger : on dirait un film d’époque.
(...)
la suite, dans le pavé rock de J. Pintoux, Old Wave Cold Wave New Wave.

Paul McCartney et Michael Jackson Say Say Say


Paul McCartney et Michael Jackson

« Say, Say, Say »

(1984)

On aimait son élégance vestimentaire, ses chorégraphies soignées : le lutin black de « Billy Jean ». Sur « Beat it », c’était West Side Story à lui tout seul. Son duo avec Paul McCartney sur « The Man » faisait songer à ceux des Bee Gees, période disco. Paul et Michael avaient déjà travaillé ensemble, sur Thriller (« The Girl Is Mine ») Il fallut attendre « Say, Say, Say » pour voir un clip exceptionnel. La mise en scène renvoyait aux minstrel boys, au Chanteur de jazz d’Alan Crosland. McCartney était maquillé comme Al Jolson. On se serait cru dans un vieil épisode de Lucky Luke. Un charlatan avait un complice. Il buvait devant un public ébahi une sorte de panacée sensée lui redonner sa jeunesse. On songeait aux deux escrocs de L'élixir du Docteur Doxey de Morris.

extrait d'OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE de J. Pintoux.
Déluges sonores des sixties et clips des eighties.

jeudi 30 juillet 2015

Kate Bush. Vampire BCBG


Kate Bush

 

Vampire BCBG



Kate Bush était née sous trop d’étoiles. Elles fourmillaient dans son ciel de naissance. Les cieux en étaient criblés, comme autant de têtes d’épingles. Kate avait bien des qualités. Toutes les fées marraines s’étaient penchées sur son berceau, toutes, et même David Gilmour, la bonne fée Pink Floyd... Le guitariste écouta ses démos, accepta de l’épauler. Il la fit signer chez EMI. On lui demanda alors de travailler davantage, d’apprendre le chant, la danse, le travail de la scène. « La danse est une cage où l’on apprend l’oiseau ». Si ses spectacles n’ont pas marqué les esprits, on se souvient encore de ses clips, de ses mimes, de son regard intense. Son long silence nous chagrine. Heureusement, ses grandes chansons nous accompagnent toujours.

Kate Bush éclate en 1978 en sortant coup sur coup deux albums, The Kick Inside et Lionheart. Elle n’a alors qu’une vingtaine d’années.

Dès « Moving », cette voix étrange surprend. Atypique. Voix de fée ou de sirène, vraie banshee. Ce sont des ballades intimistes, avec un accompagnement classique, guitares, piano, basse, batterie. Il y a parfois du saxophone. Nous ne sommes pas très éloignés de l’univers d’un Al Stewart, l’atmosphère feutrée de « Year of the Cat », mais un cran en dessous.

Il y a sur ce disque une chanson à cent coudées au-dessus des autres : c’est tout le romantisme noir qui remonte à la surface, avec son vent tourbillonnant, ses feuilles grises et gelées. « Wuthering Heights ». Un titre intraduisible. « Les Hauts de Hurlevent ». « Hurlemont ». « Wuthering Heights » : des collines abruptes, verticales, et le mystère de la lande. Le fantôme de Cathy demande à Heathcliff, le bohémien, la permission de revenir. Les Hauts de Hurlevent, c’est une terrible histoire d’amour. Rien à voir avec Le grand Meaulnes. C’est bien plus saisissant. Quiconque l’a lue à seize ans en est marqué au fer rouge à jamais, comme l’épaule de Milady. Cette histoire a des aspects gothiques indéniables, d’un romantisme échevelé. La voix haut perchée de KB fait revivre le personnage d’Emily Brontë. L’identification est totale. La partie de piano y est du plus bel effet. La voix de soprano a quelque chose d’hypnotique Elle produit une aimantation. Une voix à faire tourner les tables. Une voix de tables mouvantes.
 
(...) LIRE LA SUITE dans mon pavé rock OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE.
 

mardi 28 juillet 2015

La trilogie suicidaire de The Cure


La trilogie suicidaire de The Cure,

Seventeen Seconds, Faith, Pornography

Il y a eu la trilogie électrique de Bob Dylan en 1965-1966 (Bringing It All Back Home, Highway 61 Revisited, Blonde On Blonde), les trois albums berlinois de David Bowie en 1977-1979 (Low, Heroes, Lodger). Il ne faudrait pas oublier la série crépusculaire de The Cure, trilogie fuligineuse, fleuron de la Cold Wave, prototype du mouvement gothique (Dark Wave).

Robert Smith est né en 1959, à Blackpool. Il a été élevé à Crawley, non loin de Londres, entre la capitale et la côte sud. Il a pu se nourrir du mouvement punk. Il n’avait que 18 ans au moment d'« Anarchy In The UK », des Sex Pistols. Il était de cette génération. Autre élément déterminant : la proximité géographique de sa banlieue.

Robert Smith, à cette époque, était encore beau. Il n’avait pas ce visage bouffi qu’on lui a connu depuis, cet air de Raminagrobis repu, ou de chat qui digère (« The Lovecats »). Il attachait souvent au ciel ou promenait autour de lui des regards pleins de tristesse. Sa démarche, sa voix, son sourire, sa physionomie avaient quelque chose de rêveur ou de souffrant. D’ironique parfois. De désolé souvent.

Il lui prenait des accès de pensées noires qu’on avait peine à dissiper. A vingt ans, il déplorait déjà la perte de ses jeunes années (« Primary »). Il aurait voulu s’ensevelir aux fins fonds de la campagne, contempler l’océan à longueur de journées.

Tout lui était souci, chagrin, blessure. Une suite d’accords trop difficiles, une mélodie qu’il cherchait, le tourmentait des jours entiers. Il avait peur d’y perdre son temps, son âme. Il renonça à l’étude de l’art asiatique, à la fréquentation des bimbos (« I can lose myself in Chinese art and American girls » sur « The Figurehead »).
 
 
(...) Voir la suite dans Old Wave Cold Wave New Wave, éditions camion blanc.

Une interview inédite de Jules Verne qui ne figure pas dans mon ebook.


Interview de Jules Verne, en 1860, à propos de Paris au XXème siècle.

Jules Verne, vous pensez que, dans soixante-dix ans, on n'apprendra plus le latin ?

L'enseignement du latin, l'étude des belles lettres (le français compris) se trouvera alors à peu près sacrifiée.

Le latin et le grec seront des langues non seulement mortes, mais enterrées.

Il y aura encore des littéraires, des étudiants en lettres ?

Il existera encore, pour la forme, quelques classes de lettres, mal suivies, peu considérables, et encore moins considérées.

On ne fera plus de version ni de thème latin ?

Les dictionnaires, les grammaires, les choix de thèmes et de versions, toute la bouquinerie des Quinte-Curce, des Salluste, des Tite-Live, pourrira tranquillement sur les rayons de la vieille maison Hachette.

Par quoi tout cela aura-t-il été remplacé ?

Par les précis de mathématiques, les cours de commerce, de finances…

Les gens liront encore ?

Tout ce qui se rapportera aux tendances spéculatives du jour s'enlèvera par milliers d'exemplaires.

 Pour d'autres entretiens, cf.

lundi 27 juillet 2015

The Pogues. Drôle de fairytale.


 

The Pogues

If I Should Fall From Grace With God

(1987)

Folk-rock mâtiné de punk, le deuxième album des Pogues semble hanté par l’ombre de James Joyce. L’écrivain figure même parmi les musiciens. Habile montage… Il aurait bien bu une chope avec le groupe, puis entonné « Dirty Old Town ». Shane MacGowan lui aurait donné une grande tape dans le dos, lui aurait fait son plus beau sourire à la Julia Roberts, avec ses trente-six mille dents, ou ce qu’il en reste.

On relève quelques titres mordants, bien enlevés, une ballade nostalgique, chantée en duo avec la fameuse Kirsty MacColl, l'épouse du producteur Steve Lillywhite. Cette chanson, c’est « Fairy Tale Of New York ».

Un conte de New York ? Pas sûr. D’emblée, le titre a quelque chose d’ironique. On y met en scène un couple d'Irlandais. La partition comprend des instruments classiques (piano, cordes), et d’autres qui sont bien plus populaires (accordéon, batterie, banjo, cornemuse, flûte irlandaise). La tonalité est en mi bémol majeur. Le rythme change en cours de route. On passe d’une mesure binaire à une ternaire. Les paroles valent leur pesant d’or :

« C'était la veille de Noël, chéri, dans ce repaire d'ivrognes, / Un vieil homme m'a dit : « Je n'en verrai pas une autre, une autre année », / Puis il a chanté une chanson, / Alors j'ai pensé à toi. / J'ai misé sur le bon numéro, / Il est arrivé, classé 18 contre 1 / J'ai l'impression que cette année sera la bonne pour toi et moi, / Alors joyeux Noël, je t'aime, mon amour, / J'entrevois des jours meilleurs, / Où tous mes rêves se réaliseront… »

« Ils ont des bagnoles grosses comme des camions, / Z’ont des rivières d'or, / Mais le vent tourne et te transperce, / Ce n'est pas un endroit pour les vieux. / Quand tu m'as pris par la main pour la première fois, / En cette veille de Noël où il faisait si froid / Tu m'as promis que Broadway m'attendait / Tu étais magnifique, tu étais belle / La Reine de New York ».

« Quand le groupe a eu fini de jouer / Ils ont réclamé d'autres morceaux / Sinatra chantait du swing / Tous les gens beuglaient, fin saouls / Nous nous sommes embrassés, et nous avons dansé toute la nuit ».

« Les gars de la chorale des flics chantaient la Baie de Gailway / Et les cloches de Noël carillonnaient ».

Puis l’ambiance se dégrade terriblement, vire à la scène de ménage entre gens bourrés. Le couple se donne en spectacle… On est un peu gênés pour eux, même si c’est du théâtre after-Punk…

« Tu es une feignasse, une crapule / T’es qu'une vieille pute camée / Tu gis là, presque morte, reliée à une perfusion, sur ce grabat…

- Et toi, un vieux tas dont personne ne veut, / Espèce de larve…

- Toi, misérable pleine de poux…. /

- Joyeux Noël à toi, mon salaud, / Je prie Dieu pour que ce soit ton dernier, / J'aurais pu être quelqu'un de bien, / Tu as brisé tous mes rêves »

De telles paroles ne peuvent laisser indifférent. Comme on est loin d'un Noël traditionnel... On voit des clodos, des ivrognes… Loin des images sécurisantes, habituellement liées à la Nativité… Cependant il y a une certaine gaieté dans la mélodie, une certaine nostalgie dans la reconstitution des années d'Après-guerre. On peut même songer aux Noëls blancs d'antan. Le quart monde à New York.

Le second couplet a l’air tout à fait optimiste. Il y est question d'amour, de jours meilleurs. Mais ces images d'espoir tombent vite à l’eau. La loi de la jungle et le chômage reprennent vite le dessus. « Dirty Old Town » semble toujours en filigrane chez les Pogues.

Il y a aussi un morceau génial que MacGowan chante avec une fougue dylanesque, « If I Should Fall From Grace With God ». Shane a une voix éraillée, comme s'il n'avait pas dessoulé depuis la nuit des temps, comme s’il avait bu toute l’eau du Mississipi, tout le vin de la Californie, tout le whisky des Highlands. Kirsty a un timbre plus assuré.

Le fantôme boueux de Tom Waits rôde dans le secteur.
 
 
Extrait de mon livre OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE (camion blanc)

The Stranglers. Golden Brown.


The Stranglers. Le clip de « Golden Brown »
 

« Golden Brown » date de février 1982. Le director en est Lindsey Clennel. C’est un vidéaste qui avait déjà travaillé avec les Stranglers, pour « No More Heroes » et « Who Wants The World ? » en 1980. On lui doit également deux autres clips de 1982, « La Folie » en mai, et « Strange Little Girl », en août.

 
« Golden Brown », c’est une drôle de chanson, douce et langoureuse, un peu perverse : il s’agit d’un hymne indirect, déguisé, à l’une des substances les plus nocives et pernicieuses qui soit : l’héroïne. C’est donc une chanson hédoniste de junkie. Or, dans le clip il n’y a aucune référence à la drogue. On voit les musiciens en égyptologues un peu mous, ce qui brouille les pistes. Une charge émotionnelle très forte se dégage de cette mélodie, de la voix suave de Cornwell. On pourrait croire qu’il s’agit d’une rêverie sur Isis, la déesse-mère. Il n’en est rien. Le texte est volontairement crypté, codé, énigmatique. « Golden Brown », « Mordoré », c’est la couleur du sphinx, celle du désert, celle des pyramides, du coucher du soleil. Le soleil aveugle les Stranglers, déguisés en archéologues des années 30. Les chameaux, au loin, passent au ralenti. Le clip semble plus abordable que les paroles. Il paraît même un peu narratif (chose rare) : des égyptologues ont l'air à la recherche d’un tombeau ou d’un trésor, ou du moins ils sont outillés pour : on voit une carte, une boussole, un compas, une photo du sphinx. Comme si le « trésor » était en rapport avec le sphinx de Gizeh. Hugh Cornwell par son attitude rêveuse et pensive, détachée, loin de tout, est légèrement valorisé par rapport aux autres musiciens. Jean-Jacques Burnel joue de la contrebasse en hochant volontairement la tête. Jet Black se comporte comme un automate qui jouerait de la batterie ou comme un archéologue qui ne supporterait pas les conditions climatiques, on le voit s’éponger avec son mouchoir. Il y a pas mal d’humour là-dedans, peut-être pour contrebalancer le sérieux un peu austère et vaguement malsain des paroles, volontiers hermétiques. Dans le texte, l’allusion à L’Odyssée d’Homère, à la légende d’Ulysse attaché au mât pour écouter les sirènes et leur résister, semble évidente. Mais ici c’est la femme, la sirène, qui est attachée au mât, à la place de l’ingénieux Ulysse… Bref, les Stranglers ont un certain goût pour le détournement, voire la mystification.

Les textures mordorées – non moins que le soleil

Me laissent à mes rêveries

Qui voguent tout au long de la nuit

Pas de combats superflus

Jamais contrarié avec Mordorée

A chaque fois comme si c’était la dernière

Sur son navire, attachée au mât,

Elle me prend par la main pour de lointaines contrées

Jamais contrarié avec Mordorée

Modorée, raffinée, tentatrice

Au cours des âges met le cap vers l’ouest

Vient de très loin

Reste un seul jour

Jamais contrarié avec Mordorée.

Les Hommes en noir tournent toujours, même si Cornwell et son rat noir ont depuis longtemps quitté le navire.
 
EXTRAIT DE MON OUVRAGE OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE.

dimanche 26 juillet 2015

The Police. Des Beatles des années 80.


The Police a parfois mauvaise presse. Pourtant, quel groupe génial ! Pourquoi cette pénible déréliction (de la part d’une certaine critique) ? Trop de succès, trop d’engouement ? On leur reproche peut-être d’avoir servi d’étendard aux Années 80, qu’il est encore de bon ton de dénigrer. Certes, l’attitude désagréable de Sting à l’encontre des journalistes n’a pas contribué à arranger les choses, mais elle n’est pas seule en cause. Il y a de la jalousie dans l’air, et de l’ingratitude dans ce laissé-pour-compte, cet abandon d’un groupe majeur. N’est-il pas temps de le réhabiliter ?

Un groupe que tout le monde a occulté alors que c’était l’un des meilleurs. Les disques de Sting ne sont même plus chroniqués dans les magazines spécialisés : black-out. Pourquoi Police est-il tombé en désuétude ? Ils ont eu un succès considérable. On dit qu’on les a trop écoutés. Mais les grandes œuvres sont inépuisables. Il faut revenir aux sources vives, revenir à « Police ». On doit les sortir de leur purgatoire, où ils moisissent, avec les années 80.

« The Police ». Déjà, leur nom ne sonnait pas très punk. On leur en voulut pour ça, on leur fit un mauvais procès… alors qu’ils s’étaient appelés ainsi par dérision, par antiphrase. En fait, il s’agit d’une astuce sur le nom du batteur, et de rien d’autre. Stewart Copeland, surnommé Cop. Le groupe au départ s’appelait la police des polices, exactement la police des flics, Cop’s Police. Une super police, contrôlant les contrôleurs…

« Message In A Bottle » eut un succès international, fulgurant. Soudain on s’aperçut que The Police était la nouvelle merveille, les vrais successeurs des Beatles et de Cream. Une sorte de super-groupe comme on n’en avait plus vu depuis une décennie, depuis le ratage Blind Faith. On allait entrer dans les années 80 et c’était The Police qui ouvrait la porte.

On se rua sur le premier album pour découvrir d’autres merveilles. Notre attente ne fut pas déçue. The Police, c’était du solide. Les deux premiers LPs étaient redoutables d’efficacité. Le trio semblait extrêmement cohérent, aussi bien sur scène que sur disque.  Tous les trois, des musiciens expérimentés. Les prestations live donnaient l’image d'un groupe punk qui aurait eu un sens subtil des mélodies. Ils avaient l’énergie d’un groupe de punks, et ils savaient jouer. Le guitariste était un vieux lascar. Il avait bien connu King Crimson, Robert Fripp. Ces trois musiciens-là surclassaient The Jam et The Clash. Leurs chansons étaient plus intéressantes, plus prenantes. Elles nous aidaient à vivre. C’était notre étendard.
(...)
La suite de ce chapitre figure dans OLD WAVE COLD WAVE NEW WAVE de Jérôme Pintoux (éditions Camion Blanc)

samedi 25 juillet 2015

Led Zeppelin, ancêtre de la Dark Wave


Led Zeppelin, ancêtre de la Dark Wave

Le hard rock héroïque.

Une histoire de baguette magique.



Led Zeppelin était un groupe profondément lourd et puissant. Il tranchait sur tout ce qui existait en 1969. Je les avais vus au festival de Bath. C’était l’été et c’était l’une de leurs premières prestations. Un cataclysme, un ouragan sonore. Ce n’était plus de la gentille pop. L’ère du bruit venait de commencer. La révolution des amplis Marshall était en marche. On avait poussé le volume à fond. La technologie avait progressé à pas de géant. On avait remisé les vieux amplis au vestiaire.

Les artistes venaient d’horizons très différents. Jimmy Page était un transfuge des Yardbirds, l’un des plus prestigieux guitaristes de son temps, un musicien de studio hors pair. Robert Plant avait fait ses premières armes dans un groupe de hippies, The Band Of Joy. John Paul Jones avait dirigé une manécanterie, une école de chant rattachée à une paroisse. John Bonham était taillé comme un bûcheron. C’était un batteur prodigieux. En tout cas, la magie avait tout de suite fonctionné.
 

A Bath, en juin 1969, Jimmy Page avait sorti de sa manche un archet de violoncelle. Les autres avaient quitté la scène. Il s’était assis sur une caisse, avait baissé la tête, cherchant la concentration, l’intensité. Ses longs cheveux épars avaient caché son regard. Il avait saisi sa guitare, en avait tiré des sons étranges. Mais était-ce encore un archet ? N’était-ce pas plutôt une ancienne baguette magique ? Elle avait dû appartenir à quelqu’un de sinistre, à l’inquiétant Aleister Crowley, un des mages les plus ténébreux que l’Angleterre ait connu…

L’envol du Dirigeable

Led Zeppelin (I)

En 1968, Donovan avait écrit « Hurdy Gurdy Man » pour Jimi Hendrix, qui n'avait pas pris pas la peine de l'enregistrer... Donovan décida de l’enregistrer lui-même.

Comme le signale Jean-Marie Vandersmissens, grand spécialiste du Dirigeable : « Donovan fit appel à JP Jones qui lui-même sollicita Jimmy Page pour le seconder mais Page ne participa pas à l'enregistrement. Seul JPJ est impliqué dans la chanson. Bonham jouait à l'époque au sein du groupe de Tim Rose. Pour former LZ, Page engagea d'abord Jones puis s'en alla à Birmingham voir Plant en concert avec Hobstweedle. Ce fut Plant qui suggéra Bonham comme batteur pour le quatuor. Bonzo d'ailleurs fut très difficile à convaincre… ». « Hurdy Gurdy Man », c’est du folk-sitar-hard-rock, à la fois garage et psyché. Donovan s’en donne à cœur joie, déformant la mélodie avec des guitares saturées.

C'est étonnant mais c'est ainsi : le Hard Rock a jailli au sein du Flower Power : « Hurdy Gurdy Man » mêle instruments acoustiques et électriques. Mais comme le signale encore Jean-Marie Vandersmissen, le Hard Rock est né avant cet enregistrement : « Page l'a expérimentée avec les Yardbirds qui lui servaient de "laboratoire" : jouer un Blues sur-électrifié, sur-amplifié et souvent accéléré ; y coller une voix puissante et une rythmique qui porte littéralement l'ensemble ». Les trois compères ne veulent pas en rester là. Ils décident de former Led Zeppelin, le dirigeable de plomb (le nom leur aurait été suggéré par Keith Moon, le batteur des Who).

« Good Times Bad Times » sert d’ouverture au premier album. Le son est lourd et plein. Le parolier y joue les affranchis, l’homme libre et sans entraves : « I don't care what the neighbors say », « Je me moque de ce que disent les voisins ». Soit : « Je me fous du qu'en-dira-t-on ».

« Baby, I’m Gonna Leave You » est une chanson de rupture des plus pathétiques, des plus poignantes, hyper conflictuelle : un lien très fort existait entre deux êtres, la rupture n’est pas facile, elle est même déchirante. Plant hurle son désespoir. Ce traditionnel faisait partie du répertoire de Joan Baez dès 1962. Il est signé Ann Bredon (1950) qui n’en fut créditée que bien trop tardivement...

C’est la seule chanson acoustique du disque, mais c’est la meilleure (elle annonce le III), tout le reste est furieusement électrique.

Les paroles de « You Shook Me » rappellent « Corrina, Corrina », traditionnel arrangé par Dylan, « I have a bird that whistles and I have birds that sing ».

« Dazed And Confused », ça peut vouloir dire « Paumé et flippé ». Ce sont des paroles de blues, en plus violentes, en plus crues :

J’ai été paumé et si flippé si longtemps, tu peux pas savoir

J’ai désiré une femme, j’ai jamais rien truqué pour t’avoir

Trop de gens parlent pour ne rien dire

L’âme d’une femme a été forgée au fin fond des enfers…

Tu me blesses et tu m'humilies avec tous tes mensonges

(…) Tous les jours je travaille si dur pour ramener à la maison ma pauvre paye

J’essaie de t’aimer, petite, mais tu me dédaignes

Je ne sais pas où tu vas, je sais juste d’où tu viens

Mon adorable petite, je te désire encore, viens !

J’ai été flippé et si paumé si longtemps, tu peux pas comprendre

J’ai voulu une femme, j’ai jamais rien manigancé pour t’avoir

Ne t’en fais pas, ma petite, laisse-les dire leurs conneries.

« Your Time Is Gonna Come » s’ouvre sur un orgue d’église, un harmonium (John Paul Jones fut maître de chœur). Page et les Black Crowes l’ont reprise avec un orgue saturé.

« Communication Breakdown » traite de l'incommunicabilité (célèbre tarte à la crème), de l'incompatibilité d'humeur. C’est l’un de leurs titres les plus connus. La dépression nerveuse, le thème n’est pas nouveau dans le blues rock : la dix-neuvième « Nervous Breakdown », des Stones…

Communication Breakdown, / It's always the same,

I'm having a nervous breakdown, / Drive me insane !

« Rupture de communication, / C'est toujours pareil

Je fais une dépression nerveuse, / Tu me rends dingue ! »

Dans la chanson des Stones, c’était la fille qui était dépressive. La dépression, pas assez virile, n’était pas alors une maladie de garçons. En 69, il en va tout autrement. L          e chanteur avoue ses problèmes nerveux. De l’eau a coulé sous les ponts, et l’époque s’est durcie, l’époque, le Blues et le Rock.

Led Zeppelin (II)

L’invention du Hard Rock et du Heavy Metal

Led Zeppelin (II) sortit aux U.S.A. fin octobre 1969. Les « précommandes » s’élevaient à 500 000 exemplaires. Chiffre fabuleux. Ils dépassèrent les ventes d’Abbey Road et restèrent sept semaines en tête des charts. En Angleterre, rebelote. « The Song Remains The Same »… Ils restèrent 138 semaines dans les classements. Ils y étaient encore quand parut le troisième album…  (...)


La suite de ce très long chapitre figure dans mon ouvrage "Old Wave, Cold Wave, New Wave, Dark Wave"
(au Camion blanc).

Adam and the Ants. Prince Charming (1981)


Adam and the Ants

Prince Charming

(1981)

Il y eut une véritable « Antmania » en Angleterre en 1981, comparable à la « Bolanmania » ou « T.Rextasie » qui sévit vers 72, ou à la Beatlemania, qui dura près d’une décennie.

Adam Ant n’a jamais percé en France. Il était trop british, trop excentrique, trop « petit-maître », trop inclassable, trop différent. Il y avait du glamour dans cet homme, donc du Bowie, ou plutôt du Ziggy. Adam and the Ants, c’était une joyeuse bande d’Electric Warriors, pour des jeux sur Play Station, des mutants de World WarCraft bien avant l’heure.

Adam Ant, le leader incontesté, la figure de proue de ce navire corsaire, c’était un bandit de grand chemin, tiré à quatre épingles, un « Dandy highway man » que les modes faciles irritaient : « So sick of easy fashion ». Une sorte d’Arsène Lupin Glamour, un pirate new wave, avec bottes et cuissardes, un Cheyenne qu’adulaient les « Incroyables » et les « Merveilleuses » du Londres des années 80. Un nouveau Directoire. « Cadet Rousselle a trois habits, deux jaunes, l’autre en papier gris »

Leurs litanies, des noms d’ethnies indiennes, « Blackfoot-Pawnee-Cheyenne-Crow-Apache-Arapaho » (« The Human Beings »). Leur logo, une fourmi avec une coiffe de Chef Sioux. Bref, si le mot look a été forgé pour quelqu’un, c’est bien pour Adam Ant qu’il a été créé.

Leurs deux albums essentiels n’ont pas pris une ride (ou pas trop) Kings Of The Wild Frontier (1980), post-Punk et tribal, et Prince Charming (1981), nettement plus pop, néo-décadentiste. On y retrouve toute la magie de la New Wave, si décriée et si méconnue. Tout ce qu’Ultravox, Human League et Duran Duran ont plus ou moins raté, Adam Ant l’a réussi. Les groupes précités n’avaient souvent à leur actif qu’un ou deux succès, « Reap The Wild Wind » pour Ultravox, à la rigueur « Vienna ». « Don’t You Want Me » pour Human League. Ils ont eu leur heure de gloire, ils se sont éloignés. Tout ça, c’est tombé. Mais Adam Ant aligna une bonne douzaine de morceaux efficaces, dont « Dog Eat Dog », « Stand And Deliver », « Prince Charming », « Ant Music », « Jolly Roger », « 5 Guns West », « That Voodoo », tous co-signés Ant et Marco Pirroni, ancien guitariste de Siouxsie and the Banshees, fan de Sinatra, de James Bond, de Glam Rock, d’Eno, des premiers Roxy... De la finesse, de la grâce, de l’élégance, un charme qui ne s’est pas vraiment estompé. Après le Punk Thermidor, implacable et tranchant comme un couperet, le Rock Directoire. Du Rock Directoire, avec de vraies mélodies, des roulements de tambour, des cris d’Indiens comme autant d’imprécations tribales, ces percussions qu’on appréciait aussi chez Bow Wow Wow. Les Ants avaient deux batteurs, Terry Lee Miall et Merrick. « Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie ». On dresse en haut du mât le Pavillon Noir.

Cela ne va pas sans un certain regret d’un âge d’or qui n’a peut-être jamais existé : c’est le lot de tous les romantismes, anciens et nouveaux : « In the days of old, when ships were bold / Just like the men who sailed them ».

Alors on hisse le Joly Roger (« Hoist the Joly Roger ! »), on s’embarque pour des mers inconnues, des îles lointaines. On rejoint même la planète des singes : « Picasso Visita La Planeta De Los Semios » avec sa mélodie prenante, chaînon manquant entre l’excellent « Picasso’s Last Words » des Wings (1973) et le médiocre « Pablo Picasso » du Reality de Bowie (2003). Adam Ant réactualise le mythe de Peter Pan mais également L’île au trésor :

Je le vois parcourir la crique du regard tout en sifflotant, puis, tout à coup, entonner cette vieille rengaine de matelot que, par la suite, nous devions si souvent entendre : Nous étions quinze sur le coffre à l’homme mort ! – Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum ! d’une voix aiguë et chevrotante qui semblait avoir été rythmée et brisée par les manœuvres« (Stevenson). «Of all the pirates on the seas / The worst of them was Blackbeard / So damnable (…) He’d hang them from the gallow / Just to see if they could dance !

Nowhere Land…. Treasure Island… Il faut réécouter ce disque, revoir les clips de Stephanie Gluck et Clive Richardson. Adam Ant était un cinéphile averti. Ces vidéos étaient talentueuses, avec des mises en scène originales, une créativité qui n’existe plus dans l’art du scopitone, tombé bien bas.

extrait du livre de Jérôme Pintoux, Old Wave, Cold Wave, New Wave.