dimanche 15 novembre 2015

verso de la pochette du single d'XTC Senses Working Overtime (1982)


XTC. Mummer (1983)


Mummer (1983)

On retiendra essentiellement « Wonderland ». Les guitares ponctuent de leurs miaulements cette douce chanson de Moulding. Dommage que le chanteur force un peu trop sa voix. Harrison avait parfois ce problème. Sa voix n’était pas assez forte. C’est pourquoi George Martin l’avait mis en retrait. George en devint ombrageux.

« Wonderland » c'est un peu Lewis Carroll revu par des Beatles New Wave ? Ce serait trop caricatural d’énoncer les choses ainsi, même si des guitares style Harrison se font reconnaître au passage. Dans le clip promo, une jeune fille danse avec Moulding. Il y a un fondu enchaîné : la robe se transforme en tutu. La nouvelle Alice se retrouve en robe de petite fille avec des manches ballon. Elle danse dans les champs, puis dans un labyrinthe végétal (comme dans le Shining de Stanley Kubrick). Partridge, habillé en jardinier, peint des roses. Il en offre une à la nouvelle Alice. Elle trouve une quantité de lapins blancs, n’arrive plus à trouver l’issue du labyrinthe, se perd dans un dédale de haies. La nuit tombe. Une apparition monstrueuse : des armatures de mannequins chevalins, assez anxiogènes. Alice rencontre le bébé-cochon et le chat du Cheshire, avec son sourire étrange, ses yeux lumineux comme des phares. Puis on la voit prostrée au fond du labyrinthe. Elle tombe dans une piscine. Comme Ophélie, elle flotte au gré du courant. Des jardiniers, munis de cisailles, taillent dans la haie une statue végétale figurant la jeune fille. On la voit ensuite flottant dans la piscine, dont les eaux, un peu glauques, ressemblent à celles d’un marécage. « Float on a river for ever and ever, Emily » disait déjà Syd Barrett.

C’est une de ces chansons anglaises sur ces adolescentes qui ont du mal à trouver leurs marques. Une chanson sur le monde de l’enfance, les difficultés du passage à la vie adulte. Les paroles évoquent doucement ses inhibitions : « Un jour tu vaincras tes peurs, tes malédictions ». Et tu te retrouveras au pays des Merveilles. On y parle de blocage en voie de résolution. Le temps est un grand maître, dit-on… C’est la grande tradition des adolescentes mal dans leur peau. Le clip est peut-être trop référentiel pour être onirique...
 
Extrait d'OLD WAVE COLD WAVE de Jérôme Pintoux, au Camion blanc.

XTC. English Settlement (1982)


English Settlement (1982)

C’est l’album du repliement sur soi. Retour aux racines anglaises. Partridge renonce à la scène et se consacre à l’écriture. A trop tourner, on perd son âme. Les dessins préhistoriques de la pochette : le cheval de l’âge de pierre, effilé, stylisé et malingre, souple et nerveux comme un Giacometti. L’album s’inscrit dans le regain de celticité qui sévit en Angleterre en 1982. Souvenez-vous de la pochette d’Avalon, de Roxy Music, avec cette femme casquée tenant un petit faucon, ou du « Celtic sound » des Kevin Rowland Dexys Midnight Runners, musiciens des rues. Un revival éphémère.

Sur « Senses Working Overtime », l’identification de Partridge à Lennon (défunt) est assez frappante, jusqu’à la tenue vestimentaire. « Je peux voir, entendre, sentir, toucher et goûter, et j’ai un deux, trois, quatre, cinq sens qui font des heures supplémentaires, et les cloches de l’église tintent doucement ». Poésie rurale, calme, sensuelle, sereine, dominicale.

« Jason And The Argonauts »

Ce sont des rêveries sur la mythologie, la réactualisation d’un vieux mythe grec. Que seraient donc les Argonautes si Orphée n’était pas sur la nef Argo ? Un ramassis de pirates de la « Mer Noire » partis pour voler la Toison d’Or. « Oh, ma tête tourne, elle est pleine des bêtes que j’ai vues. Il me semble que plus je voyage, plus je trouve des poissons bizarres dans mes filets, comme Jason et les Argonautes en avaient pêché. Je suis allé dans un pays où les hommes obligent les femmes à cacher leur beauté. Mais ici, en occident, c’est exactement pareil. Elles se maquillent, ça leur sert de voile ». Des réflexions narquoises, à la Swift ou à la Lennon. « Et le vent des mensonges a soufflé et a gonflé mes voiles ». Les paroles collent à l’actualité. Les hommes-animaux, en anglais manimals, c’est un mot-valise à la H.G. Wells (L’île du Docteur Moreau). L’histoire de la femme écarlate est une référence à l’Apocalypse de Saint Jean. Dylan l’évoque aussi dans « Jokerman » sur Infidels.
 
EXTRAIT de mon livre sur les années 60, 70 et 80, OLD WAVE COLD WAVE.